Essai d’adoption, PMA et dépression post-partum : L’incroyable parcours d’Elodie Laloum

Similaires

Partager

Depuis 2021, la procréation médicalement assistée est autorisée en France pour les femmes seules. Mais certaines femmes n’ont pas attendu l’ouverture de la PMA aux femmes célibataires par la loi française. Selon une enquête du journal La Croix, en 2020, 2400 femmes célibataires ou couple lesbien se sont rendus en Belgique ou en Espagne pour avoir recours à une PMA. C’est le cas d’Elodie Laloum, attachée de presse parisienne de 47 ans. En 2011, sa fille Ness naît d’une PMA en Belgique. À l’occasion de la sortie de sa BD, Ma vie de maman solo, cette frangine nous livre un témoignage touchant et honnête.

Élodie a toujours voulu être maman

Au plus profond d’elle, elle l’a toujours senti. Mais les années passent et la jeune femme ne rencontre aucun homme avec qui elle souhaite construire une famille. Au début de sa trentaine, l’attachée de presse commence à se poser des questions. Elle pense d’abord à l’adoption : « Il y avait beaucoup d’enfants déjà nés qui n’avaient pas la chance d’avoir des parents. À ce moment-là, je souhaitais adopter », explique t-elle. Elle fait alors tout pour obtenir son agrément, le graal obligatoire pour pouvoir adopter un enfant. Un parcours long et fastidieux. 

« J’apprends que je pourrais adopter uniquement un enfant de minimum 7 ans et qui aura probablement un handicap »

Les réunions et les rendez-vous s’enchaînent. Son aptitude à être mère est testée. Élodie est pratiquement au bout du parcours pour obtenir l’agrément. Mais lors de la dernière réunion, une des responsables lui explique que les couples homos.e.x.uels et hétéro sont prioritaires par rapport aux femmes célibataires. « J’apprends que je pourrais adopter uniquement un enfant de minimum 7 ans et qui aura probablement un handicap. Beaucoup de questions me viennent en tête. Est-ce que je suis capable d’accueillir cet enfant ? En étant mère célibataire, est-ce que j’aurais les épaules pour ce rôle ? ».

Après réflexion, Élodie décide de renoncer à l’adoption. Toutefois, son envie d’enfant est toujours aussi forte. Et son horloge biologique lui rappelle sans cesse que le temps presse. Un couple d’amies lesbien lui parle alors de l’insémination artificielle. En 2011, impossible pour les femmes seules d’avoir recours à la PMA en France. Élodie se renseigne et cherche alors des témoignages sur la PMA à l’étranger. Elle hésite longuement entre l’Espagne et la Belgique. Si l’Espagne offre des meilleures conditions, la Belgique est plus proche et plus abordable financièrement : entre 1500 et 2000 euros les 5 paillettes.

L’importance de l’entourage

Une clinique privée à Bruges retient son attention. C’est décidé ce sera la Belgique ! Mais quand elle annonce la nouvelle à son meilleur ami, c’est la désillusion. Il trouve son projet complètement égoïste. « Il a vu ça comme un caprice, comme une négation de sa propre masculinité et paternité. Alors que pas du tout ! », se désole t-elle. Excepté son meilleur ami, tout son entourage soutient la jeune femme dans sa démarche. « Ils connaissaient mon parcours avec l’adoption. Et ils savaient également que j’avais avorté 3 fois depuis mes 28 ans… Ma famille comprenait que cette décision était mûrement réfléchie et qu’elle n’était pas prise sur un coup de tête. Même mes grands-parents étaient heureux pour moi. Que ce soit ma grand-mère tunisienne ou française, elles m’ont dis allez fonce ! », se souvient Élodie en souriant.

À Bruges, Élodie rencontre le psychologue de la clinique. Le médecin valide son entrée dans le processus. La jeune femme enchaîne les déplacements en Belgique tout en continuant de travailler d’arrache pied à Paris. Pour augmenter ses chances de tomber enceinte, elle doit régulièrement se faire des piqûres d’hormones. Mais les deux premières inséminations échouent. Lassée et fatiguée, elle décide de partir se ressourcer trois semaines en Inde. Quand elle revient, elle découvre que la clinique belge l’a écartée du protocole ! La raison ? Elle a loupé un cycle : pour la clinique elle ne veut pas réellement être maman. Heureusement, la mère d’Élodie arrive à convaincre l’équipe médicale de la bonne foie de sa fille. Et c’est justement cette injection qui fonctionne, la jeune femme tombe enceinte.

PMA : elle a fait un bébé toute seule
Élodie Laloum

Élodie se sent belle et épanouie dans son nouveau corps de femme enceinte. Une grossesse qu’elle a tant espérée et fantasmée depuis des années. « Les 6 premiers mois de la grossesse se passent super bien. Tellement bien que je prends 33kg, j’étais devenu une baleine ! Puis, les 3 derniers mois de ma grossesse ont été très compliqués. Tout en étant enceinte, je devais travailler, faire le ménage, les courses… », se souvient-elle.

La naissance de Ness est alors une délivrance. 51 cm pour 3,5kg. Après des années à l’attendre, son miracle est enfin la. Élodie et Ness : c’est une évidence. Mais les premiers mois ne se passent pas comme elle l’espérait. La jeune femme fait une dépression post-partum. « Seule et avec mon entreprise, c’était un enfer. Personne n’était à mes côtés pour me calmer et m’aider. J’avais besoin d’aide mais je ne savais pas comment la prendre. Je ne laissais personne entrer dans notre relation », confie avec honnêteté la quadra.

Au fil des mois, une relation fusionnelle naît entre la mère et la fille. Élodie comprend tout de suite la force du lien qui les unit. « Je ressens à 1000% ce qu’elle pense, vit, projette et inversement. C’est très fort comme lien. C’est fusionnel et exclusif. Un peu trop même », admet-elle.

« Je ne sais strictement rien de lui et je ne veux rien savoir »

Les années passent et Ness commence à poser des questions sur son père. Alors que sa fille a 5 ans, Élodie se rappelle d’une conversation. « On se baladait dans Paris et Ness m’a questionnée au sujet de son père. Elle m’a dit que vu qu’elle le connaissait pas, peut-être que nous l’avions déjà croisé dans la rue. Je lui ai expliqué que les probabilités étaient très faibles sachant que le donneur pouvait vivre n’importe où en Europe. J’ai toujours choisi d’être totalement transparente envers ma fille et de jamais rien lui cacher malgré son jeune âge. J’écrivais déjà notre histoire sur un blog quand j’étais enceinte. Une façon de lui donner un testament vivant de notre aventure. »

Mais que sait réellement Élodie sur le père de Ness ? Pas grand chose. Elle sait uniquement qu’il est caucasien, c’est-à-dire européen. Elle ne sait pas son âge, sa profession, son dossier médical… « Je ne sais strictement rien de lui et je ne veux rien savoir. Cela peut choquer mais pour moi honnêtement, c’est vraiment comme si j’avais eu un accident et qu’on m’avait donné du sang ou un rein. Je compare son don de sperme à un don d’organe » confie Élodie avec franchise, avant de reprendre « mais pour son caractère c’est sur que Ness a pris de son père ! Et pour ses pieds aussi ! »

PMA : elle a fait un bébé toute seule
Élodie Laloum et sa fille Ness


« Être comparé à une mère divorcée c’est un peu vexant »

Aujourd’hui, Élodie a trouvé un équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie de maman. Mais certaines remarques de son entourage l’agacent encore. « Beaucoup de personnes me comparent à une maman divorcée mais ça n’a aucun rapport ! Financièrement je gère tout. Quand elle part en colonie, c’est moi qui paye. Comparé aux enfants de parents divorcés, ma fille ne peut pas aller en vacances chez son père une semaine sur deux. Être continuellement comparée à une mère divorcée, c’est un peu vexant. Quand elle avait 5 ans j’ai eu une tumeur au cerveau, je me suis rendue compte que je n’avais pas pensé à ce qui lui arriverait si je n’étais plus là. Je n’ai ni le droit d’être malade ni de mourir. D’une certaine manière, ça réduit ma façon de vivre. »

« On peut être maman solo et heureuse »

À travers sa BD, Élodie souhaite briser les clichés autour de la maman solo. La quadra veut prouver qu’être une mère solo ne veut pas forcément dire être une victime. « Je ne subis pas ce choix, je l’ai choisi. Et j’ai une belle vie. La société donne une étiquette de galérienne à la maman solo. Mais c’est plein d’autres choses ! Comme il n’y a pas une seule façon d’être une femme, il n’y a pas une seule façon d’être une maman solo ! », commente t-elle.

Lorsqu’on intérroge Élodie sur les conseils qu’elle donnerait à des femmes intéressées par le parcours de la PMA, elle nous confie dans un sourire « déjà ne pas reproduire les mêmes erreurs que moi. » Selon elle, « Il faut éviter de ne pas faire entrer un tiers. Avoir une troisième personne dans le foyer permet d’équilibrer un peu les choses. Et ainsi d’éviter d’avoir une relation trop fusionnelle avec son enfant. » La jeune femme réitère le soutien nécessaire de l’entourage, « il faut que la famille adhère au projet, ils vont avoir un rôle très important. À mes yeux il est aussi nécessaire d’avoir un métier souple. J’ai la chance de pouvoir gérer mes horaires, je ne sais pas comment font celles qui sont salariées ! », explique t-elle.

Et lorsqu’on lui demande si elle a déjà eu des doutes sur son parcours de PMA, elle répond sans hésitation, « Je n’ai aucun regret ! Si c’était à refaire je le referais demain matin. Si je n’avais pas pris cette décision, je ne pense pas que je serais la aujourd’hui. Ness est ma raison de vivre. » Élodie et Ness ont toujours eu une passion pour le voyage. Récemment, l’attachée de presse a posté des photos d’elle et sa fille sur les réseaux sociaux dans un groupe de voyage. En message privé, Élodie a reçu une vague de haine et de critiques, preuve qu’il reste encore beaucoup à faire pour changer les mentalités…

La BD d’Élodie  » Ma vie de maman solo  » est disponible en librairie !

Recevoir l'actu des Frangines

1 seul e-mail par mois pour rester au courant des articles et nouveautés sur Frangine.com

Recevoir l'actu des Frangines