Emmeline Pankhurst est une femme britannique engagée dans le combat politique pour défendre le droit de vote des femmes. Créatrice de la Women’s Social and Political Union (WSPU) en 1903, son mouvement a un faible écho auprès des dirigeants politiques. Ses militantes se lancent alors dans des actions plus violentes. A partir de là, la Presse les appelle les « suffragettes« . Cet activisme politique vaut à Emmeline Pankhurst plusieurs séjours en prison. Mais elle ne cède pas et après l’effort de guerre des femmes pendant la Première guerre mondiale, le droit de vote est accordé partiellement aux femmes en 1918 en Grande-Bretagne puis totalement en 1928. Portrait de cette figure emblématique des suffragettes, femme engagée dans cette sororité pour les droits politiques des femmes.
Les premières années d’Emmeline Goulden Pankhurst
Emmeline Goulden est née en 1858 à Manchester dans une famille aisée, progressiste et engagée en politique. Elle devient activiste dans le mouvement pour le droit de vote des femmes dès ses 14 ans et ne cessera jamais de l’être même si, à 15 ans, elle est envoyée à Paris pour parfaire ses études dans une institution pionnière pour l’éducation supérieure des jeunes filles. Elle y passe quatre ans.
De retour à Manchester, son père la pousse à travailler pour le Mouvement en faveur du vote des femmes, défendu par des hommes politiques comme Disraeli et le philosophe John Stuart Mill. Mais le Premier ministre Gladstone et la reine Victoria y sont farouchement opposés.
L’influence de son mari, Richard Pankhurst
Le premier mouvement de femmes demandant leur droit de vote a été fondé en 1865 par Richard Pankhurst, avocat qui défendait les femmes tentant de s’inscrire sur les listes électorales. C’est un ami de la famille d’Emmeline. Il a plus du double de son âge et elle en tombe éperdument amoureuse. Ils font un mariage d’amour en 1879 alors qu’elle a 21 ans. Ils ont 5 enfants mais cela ne les empêche pas de continuer leur engagement. D’ailleurs, deux de leurs filles, Christabel et Silvia, seront, plus tard, les collaboratrices de leur mère.
Le couple reçoit régulièrement des anarchistes (dont la française Louise Michel), des abolitionnistes de l’esclavage, des activistes socialistes, des humanistes et des radicaux. Emmeline fréquente de nombreux groupes qui luttent pour l’égalité homme/femme (pour la liberté d’entreprendre, pour le droit de divorcer, etc.)
Mais en 1898, son mari meurt et Emmeline doit alors subvenir seule aux besoins de sa famille. Elle doit travailler. Elle est nommée au bureau d’État-Civil des naissances et décès de Manchester. Le quartier dans lequel elle travaille est un quartier ouvrier. Elle voit de près la misère et prend conscience de la triste condition des filles dans cette cité ouvrière.
Emmeline Pankhurst : une femme engagée
Pour Emmeline, seul le droit de vote des femmes leur permettra de peser sur les décisions politiques. Après avoir milité au Parti Travailliste puis au Parti Libéral, elle se rend bien compte que seuls les hommes prennent les décisions. Il lui faut alors agir différemment.
C’est ce qui la décide à fonder, en octobre 1903, la WSPU (Women’s Social and Political Union) : l’Union Sociale et Politique des Femmes.
Sans aucune affiliation à un parti, groupe uniquement composé de femmes, son but est que les femmes aient une place identique à celle des hommes dans la vie politique de l’Angleterre du début du 20e siècle. Pour cela, elles doivent obtenir le droit de vote.
Emmeline Pankhurst fait signer des pétitions, diffuse une lettre d’informations, organise des rassemblements et prend la parole publiquement, exhortant la foule à demander les mêmes droits pour hommes et femmes. C’est une excellente oratrice. Mais cela ne suffit pas.
En 1905, la fille d’Emmeline, Christabelle, devient son adjointe ainsi qu’une jeune fille, ouvrière du textile, Annie Kenney. Très vite, elles s’aperçoivent que c’est à Londres que se fait la politique. Elles décident de s’y installer pour atteindre les membres du gouvernement.
L’explosion du mouvement des suffragettes : les premières manifestations
Le 19 février 1906 a lieu à Londres la première manifestation pour le droit de vote des femmes. Entre 300 et 400 femmes, des ouvrières de l’East End mais aussi des femmes de la bourgeoisie et certaines aristocrates sont avec elles. LA WSPU voit se multiplier les adhésions. Toute femme peut en devenir membre en payant un shilling. Elles doivent s’engager à adhérer à leur programme et à ne pas travailler pour un parti politique tant que le vote des femmes n’est pas obtenu. Elles obtiennent des succès mais souvent aussi, elles sont ridiculisées.
Des messages sont envoyés au Parlement pour demander au Premier ministre d’intervenir en leur faveur. L’échec est constant.
Elle organise alors une manifestation au Parlement, violemment réprimée par la police. Mais une partie de son objectif est atteint : la presse parle enfin de son organisation. Déranger l’ordre établi, voilà selon elle la seule façon de faire bouger les choses.
Alors qu’elle prépare la manifestation de juin 1908, Emmeline et la fille sont arrêtées pour avoir commis un acte illégal en distribuant un tract dit dangereux.
Lors du procès, Christabelle, inculpée, prononce sa première plaidoirie d’avocate et démonte l’accusation en prouvant que les discours entendus à Trafalgar Square n’étaient pas des appels à la violence. Avant le verdict, Emmeline demande la parole.
« Notre principe a toujours été d’être patientes, de faire preuve de retenue, de montrer à nos soi-disant supérieurs que nous ne sommes pas hystériques, de ne pas utiliser la violence mais plutôt de nous offrir à la violence des autres…Nous sommes ici, non pas parce que nous sommes hors-la-loi, mais nous sommes ici pour devenir des législateurs ».
Cette déclaration provoque des larmes dans le public mais le juge, impitoyable, les condamne à trois mois de détention dans la prison de Holloway, au nord de Londres.
La manifestation de 1908 à Hyde Park
Emmeline Pankhurst fixe au 21 juin 1908 la date d’une énorme manifestation à Hyde Park, au coeur de Londres. La plus grande foule qui avait été rassemblée en cet endroit était de 72.000 personnes. Emmeline table sur 250.000 au moins ! Pendant les mois qui précèdent la manifestation, Londres et les principales villes de province se couvrent de grandes affiches. Elles représentent les femmes qui présideront les plateformes des discours. Elles placardent aussi les trajets par lesquels les cortèges doivent passer, distribuent des tracts, font du porte à porte pour convaincre les femmes de se déplacer. Le mouvement invite tout le monde, y compris les membres des deux Chambres du Parlement, la chambre des Communes et la chambre des Lords.
C’est un véritable triomphe. Pas un incident ne vient troubler la manifestation qui se disperse après avoir crié trois fois : « Vote pour les femmes ! ».
Le lendemain, le Times écrit : Les organisatrices avaient compté sur la présence de 250.000 personnes. Cet objectif a certainement été atteint et probablement doublé ; il serait même difficile de contredire une personne qui affirmerait qu’il a été triplé.
Quant au Daily Express, il déclare : Il est probable que jamais, en Angleterre, autant de gens n’ont été réunis au même endroit.
Triomphe certes, mais qui ne fait pas bouger les choses… Persuadée que le temps de la parole pacifiste seule ne suffit plus, Emmeline change de ton. D’ailleurs, le slogan du WSPU est clair : ” Des actes, pas des mots !”
Entre revendications et violences de la part des suffragettes
Les manifestations deviennent alors de plus en plus violentes, car les manifestantes n’acceptent plus d’obéir à la police et de se disperser. Certaines d’entre elles, dont les 3 filles d’Emmeline, finissent donc en prison. Emmeline arrêtée pour la première fois en 1908, après avoir essayé d’apporter une pétition au Premier ministre, passe 6 semaines en prison, et témoigne ensuite des mauvaises conditions de détention dans les journaux qui lui donnent enfin la parole.
Mais elle n’en reste pas là : elle frappe ensuite un policier dans le but d’être jugée une nouvelle fois. Pourquoi ? Car son procès est une tribune parfaite pour elle, tant il est médiatisé. Elle appelle désormais à la rébellion et dégrader les biens.
“Il y a une chose à laquelle le gouvernement tient plus qu’à la vie humaine, et c’est à la sécurité des biens, et donc c’est à travers les biens que nous devons frapper l’ennemi… Celles qui peuvent casser des vitres : cassez-les ! Celles qui peuvent menacer encore plus l’idole secrète de la propriété, afin que le gouvernement réalise que la propriété est gravement mise en danger par le vote des femmes […] : faites-le ! Et mes derniers mots sont pour le gouvernement : j’encourage cette assemblée à la rébellion !”.
Résultat : de nombreux sabotages et départs de feux ont lieu, des fenêtres d’hommes politiques sont cassées. Emmeline tient bon, malgré des dissensions internes au WSPU car certaines activistes refusent de soutenir les actions violentes.
L’opinion publique contre les suffragettes
Les Pankhurst sont soupçonnées mais elles sont innocentes. Néanmoins, elles apportent leur soutien actif aux femmes qui ont perpétré ces actes.
Cela ne plaît pas à l’opinion publique, aux politiques et aux hommes en particulier.
Emmeline, ses filles et sa sœur sont maltraitées par des foules d’hommes en colère qui les poursuivent et par les policiers pendant les manifestations. Emprisonnées -sa sœur Mary Jane ne survivra d’ailleurs pas à une détention très dure-, cela ne les empêche pas de continuer leur combat.
1909 sera, pour le mouvement des suffragettes, une année d’espoirs et de nouvelles déceptions. Elles décident d’exercer le droit de pétition, inscrit dans la Constitution depuis le 17e siècle. Mais elles reçoivent une réponse négative du Premier ministre. Les suffragettes refusent de quitter le Parlement. Nouvelle arrestation, nouveau procès pour Emmeline. Cette-fois, elle n’ira pas en prison. Les autres femmes, qui ont manifesté et brisé des vitres, sont arrêtées. Elles vont utiliser une nouvelle arme : la grève de la faim.
La nouvelle arme d’Emmeline Pankhurst : la grève de la faim
Emmeline décide de faire des grèves de la faim alors qu’elle est en prison afin d’être considérée comme une prisonnière politique et non plus comme une hors-la-loi. Elle est imitée par de nombreuses suffragettes.
Celle-ci commence en juillet 1909. Les grévistes sont de plus de plus en plus nombreuses. Mais le gouvernement trouve la parade : on va les nourrir de force, à l’aide d’un tube en caoutchouc introduit dans leur estomac ! Une pétition, signée par 116 praticiens célèbres, est adressée au Premier ministre. Ils protestent contre la pratique de l’alimentation forcée. Ils démontrent ses graves dangers. Les images sont relayées dans la presse et choquent le public. L’opinion publique change alors : les suffragettes sont vues comme des victimes d’oppression. Le gouvernement doit arrêter de les gaver de force et libérer les suffragettes trop faibles pour supporter la détention.
Le message est clair pour le gouvernement : elles n’arrêteront pas tant qu’elles n’auront pas gain de cause.
Le décès du roi Edouard VII semble créer une atmosphère propice à des concessions sur l’émancipation politique des femmes. Des manifestations sont organisées à l’Albert Hall. Un projet de loi est rédigé. Mais ce sera une nouvelle déception. Il y a une manifestation violente, le Black Friday, le 18 novembre, réprimé par de nombreuses arrestations.
En 1912, Emmeline est à nouveau arrêtée puis relâchée après avoir commencé une nouvelle grève de la faim. A la suite d’attentats féministes, elle est condamnée cette fois à trois ans de prison en 1913. Mais la guerre arrive…
La Première guerre mondiale : un tournant pour le droit de vote des femmes en Angleterre
La Première guerre mondiale éclate en 1914, et avec elle, les suffragettes arrêtent leurs actions. Emmeline décide d’une trêve pour soutenir son pays pendant le conflit. Ses tournées et ses rassemblements sont désormais pour demander aux femmes de soutenir l’effort de guerre et aider les veuves et les orphelins.
La fin de la guerre est marquée par un premier succès en 1918 pour les femmes en Angleterre. Le droit de vote des femmes est accordé, aux femmes à partir de 30 ans (contre 21 pour les hommes), qui possèdent des biens fonciers ou qui sont mariées à des propriétaires fonciers.
Les conditions d’accès à ce droit sont sévères, et si c’est un premier pas, Emmeline continue encore à militer politiquement à travers le monde notamment aux Etats-Unis et au Canada. Elle vivra d’ailleurs à Toronto de 1922 à 1925.
Emmeline Pankhurst : fin de vie et obtention du droit de vote des femmes
Mais sa mauvaise santé la rattrape, notamment à cause de ses nombreuses grèves de la faim. Emmeline Pankhurst renonce à la présidence de son mouvement et après le vote d’une loi autorisant les femmes à se présenter aux élections de la Chambre des Communes, elle s’investit pour soutenir la candidature de Christabel.
En 1926, elle rejoint le Parti conservateur et se présente peu de temps avant sa mort à l’élection parlementaire dans sa circonscription.
À ceux qui s’étonnent de voir la fougueuse militante radicale se transformer en membre du Parti conservateur, elle répond : « Mon expérience de la guerre et de l’autre rive de l’Atlantique ont considérablement changé mon point de vue ».
Elle meurt à Londres en juin 1928, un mois avant que les femmes aient pour de bon le droit de vote en Angleterre en juillet 1928 avec la complète égalité électorale avec les hommes grâce au Representation of the People (Equal Franchise) Act.
L’engagement d’Emmeline Pankhurst au mouvement pour le droit de vote des femmes a longtemps fait l’objet de controverses. Le mouvement des suffragettes a été largement critiqué pour sa tactique militante et les historiens sont en désaccord sur son efficacité.
Néanmoins, l’action de la WSPU est reconnue comme un élément crucial pour l’obtention du droit de vote pour les femmes. Et Emmeline Pankhurst a sans conteste ouvert la voie aux féministes et permis d’éveiller les consciences.
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