Simone de Beauvoir : Le portrait d’une frangine engagée et visionnaire

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Salut Frangine,

Pour ce premier portrait, on voudrait te parler d’une femme exceptionnelle et inspirante ; Simone de Beauvoir. Née le 9 janvier 1908 à Paris et issue d’une famille bourgeoise, elle montre dès le plus jeune âge un vif intérêt pour la littérature. Elle étudiera la philosophie à l’ENS (l’élite quoi !) où elle rencontrera son compagnon de vie duquel on a bien du mal à la dissocier ; Jean-Paul Sartre. Simone de Beauvoir est une figure emblématique de la pensée féministe et de la littérature française. Toutefois, avec la théorie du genre et de l’égalité entre hommes et femmes qui fait débat de nos jours , la vision féministe de Simone de Beauvoir est souvent controversée et on va t’expliquer pourquoi !

La jeunesse de Simone de Beauvoir

Difficile à imaginer et pourtant…Simone de Beauvoir était prédestinée à devenir une jeune femme pieuse. Elevée dans une famille bourgeoise catholique avec sa petite soeur Hélène, avec un modèle parental schématique de l’époque, elle aurait pu suivre les pas de sa mère et devenir femme au foyer. C’était sans compter son insatiable curiosité et son goût prononcé pour les études et les lettres. Dès l’âge de six ans, Simone commence à écrire des histoires et remporte à 17 ans le premier prix de philosophie au baccalauréat.

En 1929, elle intègre l’Ecole Normale Supérieure, une institution prestigieuse qui, contrairement à aujourd’hui, n’accueillait à cette époque, que peu de femmes. C’est là où elle rencontre ce que l’on pourrait nommer son « âme-soeur » ; Jean-Paul Sartre. Leur amitié naît rapidement et se transformera en une relation amoureuse et intellectuelle complexe qui durera plus de 50 ans. Le genre de relation qui fait à la fois rêver et flipper puisqu’ils seront aussi indépendants qu’indissociables.

C’est ensemble qu’ils développent l’existentialisme, ce courant philosophique selon lequel chaque individu est responsable de sa propre vie, que chacun doit faire des choix et agir en accord aves ses convictions pour donner un sens à son existence.

On ne naît pas femme : on le devient. Aucun destin biologique, psychique, économique ne définit la figure que revêt au sein de la société la femelle humaine ; c’est l’ensemble de la civilisation qui élabore ce produit intermédiaire entre le mâle et le castrat qu’on qualifie de féminin.

Le deuxième sexe – Simone de Beauvoir – 1949

Simone de Beauvoir : Une femme qui s’est battue pour ses frangines

Une frangine engagée

Simone de Beauvoir consacre sa vie à la défense des droits des femmes, c’est une figure majeure du mouvement féministe notamment avec son célèbre ouvrage paru en 1949 « Le Deuxième Sexe ». C’est dans celui-ci qu’elle explique l’oppression des femmes dans une société patriarcale.

Dans ses différents ouvrages, elle cherchera à faire reconnaître l’égalité des sexes comme principe fondamentale de la justice sociale et à déconstruire les stéréotypes de genre qui perpétuent l’oppression des femmes.

Une frangine visionnaire

Simone de Beauvoir était clairement en avance sur son temps. Dans un monde régit par et pour les hommes, elle a souhaité s’affranchir du patriarcat en proposant une réflexion approfondie sur les enjeux liés à la question de la différence des sexes et sur la condition féminine.

Elle appliquera sa façon de penser et sa vision du monde dans sa vie personnelle ; elle fait le choix de ne pas se marier et de ne pas faire d’enfants, défiant ainsi les normes sociales de son époque.

Aujourd’hui, cela te semble certainement normal ; une femme indépendante qui décide de vivre pour elle et de prendre le contrôle sur sa vie. Mais à l’époque, pour les femmes de sa génération, elle était une exception.

De la même manière, sa relation avec Sartre était considérée comme scandaleuse. Alors que la norme était de se marier et de se jurer fidélité jusqu’à ce que la mort nous sépare, et que le divorce était soumis à des conditions strictes, entretenir une relation libre était impensable. Et c’est pourtant ainsi qu’ils ont vécu.

Une frangine courageuse mais qui ne fait pas l’unanimité

Il faut être dotée d’un courage immense quand on veut changer les choses en profondeur. Simone de Beauvoir fera face à des critiques nombreuses et houleuses tout au long de sa vie. On lui reprochera sa position jugée trop radicale et on l’accusera de mettre en danger les fondements de la société ; la famille, le mariage et l’ordre social établi (à l’époque tu l’auras compris, l’ordre établi signifie que l’homme passe avant la femme).

Elle sera aussi jugée trop abstraite par les femmes de son époque qui ne se retrouveront pas toutes dans son discours. On lui reprochait de ne pas prendre suffisamment en compte les différences sociales et de classe entre les femmes. D’oublier les réalités des femmes issues de milieux défavorisés ou de minorités ethniques.

Le deuxième sexe : son oeuvre phare

Dans cette oeuvre parue en 1949, Simone de Beauvoir explore la condition des femmes dans la société et l’histoire de leur oppression. Elle aborde notamment la question de la différence des sexes et la manière dont cette différence est construite socialement plutôt que biologiquement.

On te met quelques extraits pour te mettre un peu dans le bain :

  • « On ne naît pas femme, on le devient » : Cette citation tu l’as forcément déjà lue ou entendue ! C’est l’une des plus célèbres de Simone de Beauvoir. Non, ce n’est pas une injonction faite aux femmes sous-entendant qu’il faudrait passer par un long apprentissage pour répondre à un idéal féminin. On précise hein… parce qu’on a déjà vu des Memes affichant cette citation tout en montrant des petites filles qui se peinturlurent les orteils… WTF ?! Ce qu’elle exprime ici est le fait qu’être une femme n’est pas une donnée naturelle, c’est le résultat d’une histoire, un rôle imposé aux femmes par la société. Beauvoir critique cette construction sociale de l’identité féminine, affirmant que cela limite la liberté et l’autonomie des femmes. Elle soutient que les femmes doivent se libérer des normes et des stéréotypes de genre pour atteindre leur plein potentiel. Elle encourage les femmes à revendiquer leur propre identité et à devenir des individus indépendants plutôt que de simples objets définis par leur relation aux hommes.
  • « On enseigne aux filles à se faire valoir par les yeux des autres ; les garçons apprennent à se faire valoir par leur propre jugement. » : Ici, Beauvoir exprime l’idée selon laquelle les femmes sont éduquées pour être passives et soumises.
  • « Le travail est une condition de la liberté des femmes. » : Pour Simone de Beauvoir, la libération des femmes passe par leur émancipation économique. C’est aussi la raison pour laquelle elle et Sartre ne veulent pas d’enfants estimant qu’ils sont trop absorbants. Elle écrit également que « l’allaitement est (aussi) une servitude épuisante« . Et c’est encore un autre débat qui s’ouvre !
  • « Si les femmes faisaient la révolution sur le plan du travail ménager, si elles le refusaient, si elles obligeaient les hommes à le faire avec elles, si ce travail n’était plus ce travail clandestin auquel elles sont, je dirais, condamnées – parce que je trouve que mener cette vie à longueur d’années et de vie, sans rien de productif, c’est vraiment une condamnation – eh bien, si ceci était changé, toute la société en serait bouleversée » : Si aujourd’hui la charge mentale est une expression connue de tous et notamment des femmes – ce qui ne veut pas dire qu’il est réglé ! – l’évoquer dans les années 1940 était déjà un grand pas en avant. Simone de Beauvoir a su mettre le doigt sur la double journée subie par les femmes, ces tâches ménagères quotidiennes et aliénantes qui leur incombaient.

Evidemment, tu te doutes bien qu’on te fait ici un mini résumé de ce grand ouvrage et qu’il vaut la peine d’être lu et digéré !

Simone de Beauvoir : Une frangine vivement critiquée

De nos jours, Simone de Beauvoir est une figure souvent controversée et on va t’expliquer pourquoi.

Une vision limitée du féminisme ?

Certaines de ses idées et positions sont considérées comme problématiques ou insuffisantes de nos jours. Par exemple, le fait qu’elle ne tienne pas compte des différences intersectionnelles entre les femmes ; les différences ethniques, les différences de classe ou d’orientation sexuelle. Le féminisme de Simone de Beauvoir était avant tout basé sur l’idée d’une oppression patriarcale universelle qui ne prend pas en compte les formes spécifiques d’oppression que peuvent subir certaines femmes en raison de leur situation sociale ou de leur identité.

Une négation de la femme ?

Forcément, quand on lit un ouvrage 70 ans après sa parution, les normes, les moeurs, le monde en général, a évolué. Il n’est donc pas étonnant que certains propos visionnaires pour l’époque, nous semblent aujourd’hui surannés. Par exemple, dans Le deuxième sexe, Simone de Beauvoir établit que le masculin est une valeur positive ou neutre et que le féminin est une valeur négative. L’homme représente alors le genre humain universel quand la femme ne se pense pas universellement et est toujours définit par la négation : l’homme est homme. La femme est femme parce qu’elle n’est pas l’homme.

Un homme ne commence jamais par se poser comme un individu d’un certain sexe : qu’il soit homme, cela va de soi. C’est d’une manière formelle, sur les registres des mairies et dans les déclarations d’identité que les rubriques : masculin, féminin, apparaissent comme symétriques. Le rapport des deux sexes n’est pas celui de deux électricités, de deux pôles : « homme » représente à la fois le positif et le neutre au point qu’on dit en français « les hommes » pour designer les êtres humains, le sens singulier du mot « vir » s’étant assimilé au sens général du mot « homo ». La femme apparaît comme le négatif, si bien que toute détermination lui est imputée comme limitation, sans réciprocité. »

Le deuxième sexe – Simone de Beauvoir – 1949

Simone de Beauvoir et Sartre : Merteuil et Valmont ?

En 1929, les deux amants scellent un pacte qui les laisse libres de s’adonner à des « amours contingentes ». En gros, ils pouvaient aller voir ailleurs, reconnaissant leur « amour nécessaire » mais tenant compte de la nature contingente et changeante de leur amour. Ils croyaient (enfin surtout Sartre en fait…) dur comme fer que l’amour devait être fondé sur la liberté, la responsabilité et le respect mutuel et devait s’extraire de toute forme d’emprise, de possession et d’exclusivité. Une bonne chose nous diras-tu peut-être ?

Oui mais… le respect des autres ?

La New-Yorkaise Hazel Rowley dans son ouvrage biographique sur la relation entre Simone de Beauvoir et Sartre intitulé Tête-à-tête, évoque les nombreux amants des deux écrivains-philosophes. Le problème ? Ces amants et amantes auraient bien souvent été les marionnettes du Castor (surnom donné à Simone de Beauvoir par son ami Maheu) horrifiée à l’idée de perdre Sartre.

Pour te donner un exemple concret, Bianca Lamblin, femme de lettres née en 1921, fut l’amante de Sartre et de Beauvoir (bien que cette dernière niera toute sa vie sa bis.exualité). Dans ses Mémoires d’une jeune fille dérangée (parallèle aux Mémoires d’une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir) paru en 1993, Bianca relate les tumultes du trio amoureux dont elle a fait les frais. Si toi aussi tu as lu les Liaisons dangereuses, tu comprendras si on te dit que Bianca, c’était un peu la Volange de l’histoire.

Beauvoir, une rabatteuse pour Sartre ?

Bianca a 16 ans quand elle découvre sa professeure de philosophie au lycée Molière ; Simone de Beauvoir. Très vite, elle est fascinée par cette femme aux idées neuves qu’elle prendra comme modèle. Elles deviendront amantes jusqu’au jour où Simone de Beauvoir l’enverra consulter Sartre pour un point de philosophie… Tu devines la suite ? Sartre « baratine » (comme il le disait lui-même) pour séduire Bianca et le trio amoureux se forme. Dans son ouvrage, Bianca explique que Simone de Beauvoir, pour continuer de perpétrer un lien charnel par procuration avec son amant, lui rapportait des femmes.

Simone de Beauvoir puisait dans ses classes de jeunes filles une chair fraîche à laquelle elle goûtait avant de la refiler, ou faut-il dire plus grossièrement encore, de la rabattre sur Sartre.

Mémoires d’une jeune fille dérangée – Bianca Lamblin – 1993

Bianca finira abandonnée par ses deux amants et souffrira terriblement de ce rejet alors qu’elle était convaincue qu’ils entretenaient tous trois une liaison unique et puissante. Elle plongera alors dans une grave dépression, une psychose maniaco-dépressive qui pétrira de remords Beauvoir qui lui proposera de maintenir une amitié purement intellectuelle.

Quand, en 1990, Les Lettres à Sartre paraîtront, ce sera le coup de massue pour Bianca.

Leur contenu m’a révélé sous un tout autre visage celle que j’avais aimée toute ma vie et qui m’avait constamment abusée. J’y lisais le dépit, la jalousie, la mesquinerie, l’hypocrisie, la vulgarité. Que Sartre m’ait sacrifiée à sa quête perpétuelle et vaine de séduction, soit. Mais que Simone de Beauvoir serve de pourvoyeuse à son compagnon est plus étonnant. Que dire d’un écrivain engagé comme elle dans la lutte pour la dignité de la femme et qui trompa et manipula, sa vie durant, une autre femme?

Mémoires d’une jeune fille dérangée – Bianca Lamblin – 1993

Simone de Beauvoir résistante ou collabo ?

Longtemps, cette grande figure du féminisme a été considérée comme une résistante engagée dans la lutte contre Vichy lors de la Seconde Guerre Mondiale. Toutefois, le philosophe Michel Onfray et d’autres pensent qu’elle aurait plutôt été une collaborationniste, Simone de Beauvoir ayant travaillé comme chroniqueuse en 1943 pour des émissions sur la chanson sur Radio-Vichy, une radio qui diffusait principalement de la propagande pour le régime de Vichy.

Simone de Beauvoir et la solidarité féminine

Si le Castor ne fait pas l’unanimité et est lourdement critiquée pour ses agissements dans sa vie personnelle, on ne peut lui retirer le rôle important qu’elle a tenu dans la lutte pour les droits des femmes. N’oublions pas qu’elle fut une fervente défenseuse du droit à l’avortement et de la contraception ainsi que de l’égalité des sexes dans tous les domaines de la vie.

Beauvoir a également joué un rôle clé dans la promotion de la solidarité entre les femmes. Elle a fondé en 1971 le « Mouvement de Libération des Femmes » en France, qui a joué un rôle important dans la lutte pour les droits des femmes en France.

Simone de Beauvoir a joué un rôle majeur dans la lutte pour les droits des femmes et a aidé à remettre en question les idées traditionnelles sur la nature féminine. Son travail a inspiré des générations de femmes à prendre le contrôle de leur propre vie.

Finalement, Beauvoir était certes une intellectuelle, une visionnaire et une féministe engagée, elle n’en reste pas moins un être humain avec ses failles et ses erreurs. On peut lui reprocher pas mal de choses mais on ne peut lui retirer le fait d’avoir contribué à faire évoluer les choses pour toutes les frangines.

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