Gérer l’absence du père : témoignages de mamans solos

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Le nombre de familles monoparentales a explosé ces dernières années. Et à la tête de la majorité d’entre elles, il y a la maman. En effet, après une séparation ou un divorce, c’est souvent la mère qui a la garde des enfants malgré la reconnaissance légale de la garde alternée ou partagée depuis 2002. Le père a la plupart du temps un droit de visite et d’hébergement certains weekends et/ou les vacances. Certains pères respectent ce mode de fonctionnement, d’autres disparaissent de la vie de leurs enfants. Qu’elle soit ponctuelle ou permanente, l’absence du père a évidemment des conséquences sur les enfants. Mais aussi sur la mère qui doit pallier à ce manque. Gérer l’absence du père est une réalité trop souvent subie. Voici des témoignages de mamans solos à ce sujet.

De quelles mamans solos va-ton parler ici ?

Certaines personnes parlent de mamans solos, d’autres de mères célibataires. Parfois, ce terme fait débat car il y en a pour considérer qu’une maman vraiment solo, c’est une mère qui s’occupe de ses enfants seule tout le temps. Une mère dont le père des enfants ne respecte pas son droit de visite et d’hébergement, ne l’a pas demandé, ou une femme veuve.

Dans cet article, on a pris le parti de considérer que nos frangines mamans sont concernées par l’absence du père dès lors qu’elles ont la garde de leurs enfants. Car si une garde classique permet au papa de voir ses enfants, ce ne sont pas 4 jours par mois et 1 semaine de vacances toutes les 6 semaines à 2 mois au mieux qui pallient pleinement à son absence !

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« De mon côté j’avais l’habitude de m’occuper de beaucoup de choses même avant la séparation. Donc ça n’a pas changé énormément. C’est surtout cette responsabilité quotidienne qui parfois peut faire peur »

Gérer l’absence du père trop souvent ?

Au quotidien, c’est la mère qui gère les bobos, les chagrins, les urgences, les questions… En même temps qu’elle profite des joies, des réussites, des rires de ses enfants. A ce titre, même si un père voit ses enfants tous les 15 jours, cette présence en pointillés a forcément des conséquences.

Ariane, 39 ans et divorcée, témoigne de sa nouvelle situation et de son incompréhension face au choix de son ex-mari. « Divorcée depuis 10 mois maintenant et ayant la garde de mes enfants, je vis « l’expérience » de maman solo avec mes 2 garçons de 10 et 13 ans. Je suis heureuse d’avoir mes enfants à plein temps. Je n’aurais jamais pu les voir qu’une fois tous les 15 jours et la moitié des vacances scolaires. Et je ne comprends d’ailleurs toujours pas comment leur père peut se contenter de les voir si peu… Ni se sentir si peu concerné par leur quotidien et leur avenir surtout. »

En France, 21% des enfants vivent dans une famille monoparentale. On estime à 4 millions le nombre d’enfants mineurs dont les parents sont séparés. Parmi eux, plus de 86% vivent chez un seul parent, en majorité la mère.

Le mythe de la famille idéale à déconstruire ?

Le papa, la maman, deux enfants et un chien. Voilà l’image, à peu de choses près, de la famille idéale. Enfin, ça, c’était avant. La société connaît des bouleversements depuis plusieurs décennies et la famille n’y échappe pas. Est-ce si grave que les familles soient toutes différentes aujourd’hui ? Qu’il y ait tant de familles monoparentales ?

Bien entendu, pour un enfant, il est souvent douloureux de ne pas grandir avec ses deux parents. Cela occasionne de la tristesse, un sentiment d’injustice, de la colère, de l’incompréhension ou encore de la souffrance.

Mais ce qu’il faut essayer de retenir, malgré tout, c’est que l’absence du père ne fait pas de ces enfants des futurs adultes forcément perdus ou incomplets.

« Ma fille a grandi sans son père, il ne l’a pas reconnue à sa naissance » nous explique Adeline, 33 ans. « On devait se marier, on était ensemble depuis presque 2 ans quand elle est née. Il nous abandonnées ; il a littéralement disparu. Sans explications, du jour au lendemain. Il a préféré sa vie de célibataire. Alors on a dû apprendre à vivre sans lui, et on a construit notre famille à deux. Ma fille a aujourd’hui 8 ans et c’est une petite fille pleine de vie. »

Aujourd’hui encore, il y en a beaucoup qui croient que lorsque le père est absent, les enfants grandissent de façon bancale et ont forcément des difficultés émotionnelles. Mais cela n’est pas vrai. Une famille peut parfaitement coexister, sans troubles majeurs, même en l’absence du père. Bien entendu, il faut leur expliquer, les rassurer, et c’est souvent difficile pour la maman. Mais les enfants qui ne vivent pas avec leur père n’ont pas à payer pour cette absence indépendante de leur volonté.

«je ne comprends d’ailleurs toujours pas comment leur père peut se contenter de les voir si peu… Ni se sentir si peu concerné par leur quotidien et leur avenir »

Quelle figure paternelle entretenir quand il faut gérer l’absence du père ?

Grandir sans son père peut créer un manque affectif important chez certains enfants. Comme la mère, le père a, à la base, un rôle important à jouer dans l’équilibre d’un enfant. Ces deux figures parentales lui permettent de trouver cet équilibre. Mais si une figure paternelle est importante, son absence ne doit pas non plus figer le destin de l’enfant de façon négative. Il ne doit pas porter ce poids toute sa vie.

Magali, 44 ans, maman de 4 enfants et divorcée depuis 2 ans, nous en parle très bien. « Lorsque nous avons pris la décision conjointe de nous séparer, je me disais que de toute façon, je gérais quasiment seule depuis des mois voire des années. Donc que cela ne changerait rien pour moi. Mais c’était sans compter qu’il faudrait combler aussi le manque affectif de mes enfants. Et multiplié par 4 cela représente beaucoup de temps et d’énergie. Un papa au téléphone ne remplace pas un regard plein d’amour, un geste affectueux, ni un câlin. Et même d’un point de vue éducatif, le manque de présence masculine, autoritaire s’est fait sentir ! Les enfants ont perdu leurs repères. Ils ont testé mes limites et je dois avouer que nerveusement c’était compliqué. Mais j’ai toujours prôné la communication et l’écoute et finalement je ne m’en sors pas trop mal. »

Une maman présente, une maman aimante qui aide son enfant permettra non pas de faire de cette absence paternelle un non-sujet, mais au moins que cela ne soit pas un facteur déterminant dans sa vie.

Par ailleurs, le grand-père, un oncle et plus tard un beau-père sont autant de figures paternelles secondaires dites de substitution. Ils peuvent servir d’exemples à suivre et compléter son éducation. Ils ne remplaceront pas le père de façon absolue, mais selon les situations ils sont un soutien important pour les enfants et pour la mère.

Comment gérer et combler l’absence du père ?

Comment pallier à cette absence ? Avant toute chose, selon l’âge des enfants, il est important de dire la vérité sur la situation avec des mots compréhensibles. En tant que maman, on a souvent tendance à vouloir épargner nos enfants de la dure réalité de la vie. Mais le mensonge n’est pas la solution, encore moins dans ce cas-là.

Le fait de ne pas vivre avec leur père ne fait pas de ces enfants des enfants bizarres ou différents. Leur dire que ce n’est pas de leur faute, peu importe ce qui s’est passé, est la première chose. Dans la plupart des cas de séparations et de divorces, les enfants se sentent coupables. Il faut les rassurer, les aider à lâcher prise, à libérer tout ce qui les fait souffrir et génère une détresse émotionnelle. 

Et surtout, il faut toujours leur rappeler à quel point on les aime, de façon totalement désintéressée, pour les rassurer sur cette peur de l’abandon qui peut se développer à cause de l’absence du père. Tout ce qui affecte nos enfants nous émeut en tant que mères, en tant que femmes. Mais bien leur expliquerque leur père n’est pas là au quotidien ou pas là du tout est fondamental.

« Je lui ai expliqué la situation du mieux que j’ai pu, au fur et à mesure du temps et du peu de choses que je savais sur son père » nous raconte Adeline. « C’est vrai que nous avons toujours exprimé facilement nos sentiments. Un jour sans je t’aime entre elle et moi, c’est rare. Et puis, j’ai eu la chance de rencontrer un autre homme 2 ans après. Son beau-père l’a adoptée à ses 4 ans, depuis nous sommes une famille malgré l’absence de son père depuis toujours. Malgré cela, ce n’est pas un sujet tabou et si elle a besoin d’en parler, je réponds à ses questions. »

Ce n’est pas toujours une tâche facile, surtout si ton enfant est déjà à l’âge où il se pose des questions, mais c’est nécessaire. N’hésite pas à l’emmener consulter un psychologue pour enfants ou un pédopsychiatre si cela peut être bénéfique.

Il nous a abandonnées ; il a littéralement disparu. Sans explications, du jour au lendemain.

Quel discours entretenir sur ce père absent ?

Si tu es en contact avec le père, et même si c’est difficile selon les situations, essaie au maximum d’entretenir une relation apaisée pour le bien-être des enfants. Peu importe tes différends avec lui et ta probable déception ou rancœur, tu ne dois pas être celle qui t’oppose à la relation père-enfant. C’est important pour la construction de l’identité de ton ou tes enfants. Et cela leur permettra de se faire leur propre avis en grandissant.

Magali nous affirme tout faire pour faire participer son ex-mari à l’éducation de ses enfants, même de loin, même si ce n’est pas pareil. Faire au mieux, voilà son leitmotiv, pour ses enfants.

« J’ai toujours demandé son soutien, par téléphone, pour reprendre les enfants sur leurs écarts de comportement » admet-elle. « Les conseils de famille en visio sont devenus réguliers et on arrive à bien s’en accommoder mais dans le quotidien, on ne va pas se mentir, il n’est pas là et le papa c’est moi ! » rappelle-t-elle néanmoins.

Parfois, on n’a pas envie de dire du bien d’un père qui fait n’importe quoi et de lui laisser le beau rôle. Mais il y a des « sacrifices » nécessaires et bénéfiques pour le bien-être des enfants. Et puis ils ne sont pas dupes ! Ils voient tout, entendent tout et comprennent alors assez vite sur quel parent ils peuvent véritablement compter.

« On doit gérer les 2 rôles mais on a surtout souvent, trop souvent même, le mauvais rôle » nous avoue Ariane. « Malgré tout, les enfants le savent et sont reconnaissants de notre présence. Mes enfants me disent souvent qu’ils ont confiance en moi, qu’ils peuvent compter sur moi. » nous dit-elle, rassurée. « Au quotidien je suis du coup plus sereine de les avoir avec moi et de m’en occuper H24. Car l’expérience montre le peu de confiance que je peux avoir en leur père aujourd’hui vu ses manquements » regrette-t-elle, encore choquée du détachement de son ex-mari vis-à-vis de leurs enfants.

Assumer le rôle des deux parents : une des raisons de la charge mentale des mères ?

La charge mentale des femmes et plus particulièrement des mères est un sujet important. Il faut le prendre en considération et ce d’autant plus quand le père est absent.

Cette absence peut avoir de fortes conséquences sur la maman, même elle ne s’en rend pas toujours compte immédiatement. Elle fait ce qu’elle doit faire pour le bien-être de ses enfants, mettant parfois en danger sa santé. Elle se met entre parenthèses, s’oublie souvent. Non pas parce qu’elle le veut mais parce qu’elle ne peut pas faire autrement.

Ariane en a conscience, comme elle nous l’explique. « Le fait est qu’être maman solo et à plein temps c’est une énorme charge mentale, parfois difficile à porter. Tout gérer, des devoirs aux repas en passant par l’orientation, les loisirs, les courses, les moments de doutes des enfants et leurs questions… Il faut à la fois remplir son rôle de maman et prendre celui du papa absent. »

Mais malgré la réalité de cette forte charge mentale, elle nuance, car le père de ses enfants s’est toujours reposé sur elle pour leur éducation. « De mon côté j’avais l’habitude de m’occuper de beaucoup de choses même avant la séparation. Donc ça n’a pas changé énormément. C’est surtout cette responsabilité quotidienne qui parfois peut faire peur. Et en même temps c’est un grand soulagement aussi. Plus de disputes par rapport à la manière d’éduquer les enfants. Sauf que quand ils reviennent d’un week-end ou d’une semaine de vacances, « tout est à refaire ». Remettre les horaires, recadrer… ce qui nous fait parfois passer pour la « méchante » la « maman pas drôle ». »

Gérer l’absence du père : un poids supplémentaire sur la charge mentale des mères

Quand un père est démissionnaire, défaillant, absent, il faut remplir un double rôle auprès des enfants. Eux n’ont rien demandé. Si une absence vaut parfois mieux qu’une fausse présence, il n’en demeure pas moins que la charge mentale est très lourde pour les mères qui s’occupent seules à plein temps ou presque de leurs enfants.

« Ce qui est le plus compliqué, je pense que c’est le fait que le papa ne prenne les enfants qu’une semaine pendant les vacances scolaires » nous explique Magali.

Cette réalité de vie, elle l’assume car elle est partie vivre dans une autre région pour des raisons professionnelles et personnelles. « J’ai fait le choix de m’éloigner de lui pour reprendre ma vie en main. Du coup je me retrouve à gérer H24, 7j/7 et tous les jours du mois quand il n’y a pas de vacances et c’est fatigant. Mentalement et physiquement ! Surtout avec la reprise d’une vie professionnelle. »

Mais le père de ses enfants n’avait de toute façon jamais souhaité faire une garde partagée. Si le fameux weekend sur deux fait parfois la différence quand elle est vraiment fatiguée, elle réalise surtout le manque d’investissement de son ex. Et ce depuis toujours. Alors peu importe la distance, son implication a toujours été minime.

« Pour le papa la vie est facile, vu qu’il n’a pas la garde des enfants, il peut aller travailler au rythme qu’il veut, comme il veut, sans contrainte horaire, ni financière. Mais pour le parent qui a la garde c’est différent, c’est lui qui assume tout. Et en l’occurrence dans notre cas, c’est moi ! »

Au final, on constate que ces mamans qui élèvent seules leurs enfants au quotidien, si elles doivent gérer affectivement l’absence du père auprès de leurs enfants, subissaient déjà cette charge mentale auparavant.

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« Le fait est qu’être maman solo et à plein temps c’est une énorme charge mentale, parfois difficile à porter. Il faut à la fois remplir son rôle de maman et prendre celui du papa absent. »

Gérer l’absence du père : quelle conclusion peut-on faire ?

L’absence partielle ou totale du père a évidemment des conséquences sur les enfants, sur l’organisation de la famille, sur la mère. A travers les témoignages de ces trois mamans qui vivent cette réalité quotidienne à des degrés différents, une conclusion commune s’impose néanmoins. Qu’il y ait une garde classique, aux vacances, ou aucun lien avec le père, c’est la mère qui doit pallier à cette absence totale ou à cette présence en pointillés.

« Au final, pour ma part, je n’ai pas vraiment l’impression que ce soit difficile de pallier à l’absence de leur père » nous confie Ariane. « J’ai l’impression d’avoir toujours été celle qui gérait mes enfants. Je n’aime pourtant pas ce mot : « gérer » les enfants. Mais c’est malheureusement ce qu’il se passe quand on s’occupe d’eux à plein temps. Ce n’est pas pour autant qu’on ne passe pas d’agréables moments de détente, de rigolade et de complicité ! Et, au final, le lien déjà fort que j’avais avec mes enfants s’est renforcé depuis la séparation. »

On n’élève pas un enfant de loin, à temps partiel, juste en profitant des bons moments pendant les vacances. Un enfant a besoin d’un cadre sécurisant pour bien grandir et ce sont les mères qui s’en chargent. Il faut arrêter d’applaudir les pères qui font acte de présence de temps en temps. Il est juste normal qu’ils s’investissent auprès de leurs enfants.

« J’ai l’impression d’avoir toujours été celle qui gérait mes enfants. Je n’aime pourtant pas ce mot : « gérer ». Mais c’est malheureusement ce qui se passe quand on s’occupe d’eux à plein temps. »

Toutefois, les mamans solos s’en sortent, les enfants s’adaptent. Et ces familles monoparentales ou recomposées trouvent leur équilibre de vie et sont heureuses. Pour cela, il faut que les choses soient dites afin que les enfants soient rassurés, et que l’absence paternelle ne soit pas un sujet tabou mais pas au centre de toute la vie des enfants non plus.

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