Rokhaya Diallo: journaliste anti-raciste et féministe

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Rokhaya Diallo est une femme engagée contre le racisme, le s.exisme et pour les droits des minorités en général. C’est une femme aux multiples casquettes : auteure, conférencière, réalisatrice, journaliste, chroniqueuse, militante associative. Elle a su utiliser les différents médias pour faire entendre sa voix et mener son combat. Son travail de journaliste et de réalisatrice en faveur de l’égalité a d’ailleurs été récompensé plusieurs fois. Portrait de cette journaliste anti-raciste et féministe, parfois controversée.

L’enfance et les études de Rokhaya Diallo

Rokhaya Diallo est née le 10 avril 1978 à Paris. Son père est un mécanicien sénégalais, socialiste et figure connue de la communauté sénégalaise. Sa mère est une professeure de couture gambienne. A partir de 1989, elle grandit à La Courneuve après avoir vécu les dix premières années de sa vie dans un quartier populaire parisien.

Mais elle n’a pas laissé son environnement populaire ou la « banlieue » l’écarter du chemin des études. Bien au contraire ! Jeune femme pleine de détermination et de convictions, elle s’engage dans des études qu’elle réussit avec brio.

Titulaire d’une maîtrise de droit international et européen en 2000, elle poursuit ses études avec un master en marketing et distribution dans l’industrie audiovisuelle à l’Université Panthéon-Sorbonne décroché en 2003. 

En 2000, afin de financer ses études, elle travaille au Conseil local de la jeunesse à La Courneuve. Sa mission consiste à aider les jeunes les moins favorisés dans leur insertion professionnelle.Très vite, on lui demande de présider le Conseil local, poste qu’elle a occupé pendant deux ans.

Etudiante brillante, jeune femme engagée,cette touche-à-tout ne s’arrête pas là ! Elle travaille aussi successivement à IBM, dans le doublage de films d’animation puis participe à la création de la Japan Expo, un salon événementiel français sur la culture populaire japonaise.

Grâce à cette expérience, en 2002, Rokhaya Diallo a participé à plusieurs courts-métrages du collectif Une case en moins, en qualité de comédienne, chanteuse et parolière.

La création des Indivisibles pour lutter contre le racisme

Par ses études et la pluratité de ses expériences, elle s’engage. Militante dans l’âme, elle veut mettre au cœur de son engagement la lutte contre le racisme. Pour cela, elle cofonde en 2007 l’association Les Indivisibles.

Elle dira à ce sujet que sa motivation est née : « à force d’entendre chez la plupart de mes interlocuteurs que le fait d’être noire et d’origine populaire posait problème ».

Le nom de l’association fait référence à l’article premier de la Constitution française qui dit que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ».

L’association milite pour que cesse une « partition de la nationalité française selon une apparence physique ou une provenance géographique ».

Son mot d’ordre est « Français, sans commentaire » !

Pour déconstruire les préjugés racistes et sexistes, les militants de l’association font le pari de l’humour et de l’ironie pour dénoncer les préjugés ethno-raciaux et en premier lieu, « celui qui nie ou dévalorise l’identité française des Français non-Blancs ».

L’objectif ? Réduire les discriminations racistes et sexistes. Comment ? En retenant l’attention, en étant décalé.

Ainsi, en 2009, Rokhaya Diallo crée une remise de prix humoristiques, les Y’a Bon Awards, qui décernent des prix aux pires propos racistes des personnes publiques. Pour cela, elle utilise internet, écrit des livres dont Racisme : mode d’emploi en 2011 et A nous la France ! en 2012, Comment parler de racisme aux enfants), afin de lutter contre le racisme avec humour.

Rokhaya Diallo : une femme médiatique et médiatisée

Comme on peut le constater, Rokhaya Diallo est une femme moderne, militante engagée qui sait vivre avec son temps. Elle sait employer les moyens technologiques 2.0, les médias, la presse, l’édition pour parler de ses combats. C’est une femme médiatique et médiatisée dès 2007 avec l’association Les Indivisibles. Elle en tient la présidence de sa création à 2010.

Rokhaya Diallo est aussi une journaliste de radio et de télévision. Tour à tour chroniqueuse ou animatrice, elle travaille de 2009 à 2013 pour Canal+, sur l’émission La Matinale, et est présente sur la grille des programmes de RTL à partir de 2009. Elle a aussi collaboré avec l’hebdomadaire Politis, ou bien encore avec Médiapart. Entre 2011 et 2013, elle présente le magazine Egaux mais pas trop sur LCP. A la radio, elle anime Fresh Cultures sur Le Mouv’ depuis 2011.

« L’important, ce n’est pas tant d’accéder à l’espace public, mais de faire quelque chose de cet accès. C’est bien d’ouvrir la porte et de parvenir à entrer. Mais je pense qu’il faut la maintenir ouverte pour que d’autres prennent la suite. »

En janvier 2012, elle reçoit le Prix de la lutte contre le racisme et la discrimination, décerné par le Conseil pour la Justice, l’Egalité et la Paix (COJEP).

En 2013, Rokhaya Diallo a occupé la 36e place du classement des 100 Françaises les plus influentes, selon le magazine Slate. Selon le classement du britannique Powerful Mediafigure elle figurait, la même année, parmi les 30 personnalités noires les plus influentes d’Europe.

En 2014, elle figurait dans le classement Purpose Economy 100 regroupant les 100 meilleurs acteurs européens de la scène économique innovante et solidaire. La même année, elle reçoit le prix #LabComWomen Women in Digital Feminine Communication Award, créé par TF1, la plus grande chaîne d’Europe, et LABCOM , dans la catégorie Générosité. Elle a également reçu le Prix Sununet de la Diaspora sénégalaise pour l’égalité et la justice pour sa contribution positive à l’image internationale du Sénégal. 

En 2017, elle a été la seule invitée française à assister à l’inauguration de la Fondation Obama à Chicago.

Ses combats à travers les médias

Animatrice et chroniqueuse pour la télévision et la radio (Canal +, France 2, RTL) auteure d’enquêtes pour la presse écrite (Libération, ELLE, Les Inrocks), Rokhaya Diallo a produit et réalisé plusieurs documentaires dont « Les réseaux de la haine » consacré au cyberharcèlement, produit par Mélissa Theuriau en 2014 et « De Paris à Ferguson : coupables d’êtres noirs » en 2016. 

En tant que journaliste, elle saisit toutes les occasions que lui offrent les médias pour élever sa voix contre les discriminations.

Avec François Durpaire, Marc Cheb Sun, Lilian Thuram et Pascal Blanchard, elle a lancé en 2010 un appel et cent propositions pour une « République multiculturelle et post-raciale ».

Elle a réalisé plusieurs reportages pour la presse française, comme sur les femmes au Bahreïn et sur le racisme en Tunisie pour Les Inrocks, ou encore sur le mouvement Black Lives Matter qui a fait la une du journal Libération.

Elle écrit par ailleurs des tribunes dans la presse internationale : le Washington Post, The Guardian et Al Jazeera.

En septembre 2017, elle rejoint la nouvelle équipe de chroniqueurs de l’émission controversée de Cyril Hanouna, Touche pas à mon poste, sur C8. Mais ellle n’y restera qu’une seule saison

En septembre 2018, elle a créé le podcast Kiffe ta race, avec Grace Ly. L’émission est diffusée sur la plateforme Binge Audio.

Le 24 août 2020, elle a été nommée contributrice de la section Global Opinions du Washington Post. Elle y fait des éditoriaux sur les questions de racisme et de s.exisme.

Son féminisme, celui de l’intersectionnalité

Rokhaya Diallo se définit comme une féministe intersectionnelle et décoloniale. Dans un entretien pour Les Inrocks, en 2017, elle déclare : « J’ai toujours été consciente du sexisme, je le trouvais plus prégnant que le racisme dans mon environnement. Je n’ai pas été renvoyée à ma couleur de peau avant l’âge adulte. Dans mon quartier, ne pas être blanche n’était pas une question alors que l’inégalité entre hommes et femmes, oui. »

Elle est proche du féminisme intersectionnel, qui estime qu’une oppression ou domination peut être multiple (genre, classe, race…).

Rejetant le féminisme universaliste, elle est proche d’un féminisme plus identitaire.

Si tu veux en savoir plus à ce sujet, tu peux lire le portrait d’Audre Lorde : la poétesse féministe à l’origine de l’intersectionnalité

Dans la lignée de la publication en 2018 du livre collectif Noire n’est pas mon métier, initié par l’actrice française Aïssa Maïga et qui dénonce la sous-représentation ou les représentations stéréotypées des femmes noires dans le cinéma français, Rokhaya Diallo tourne le documentaire Où sont les Noirs ?, diffusé en 2020 sur la chaîne française RMC Story.

En septembre 2020, elle intègre le conseil d’administration du Centre pour la justice intersectionnelle. Cette association créée en 2017 à Berlin favorise le plaidoyer, la recherche et la formation pour une politique de lutte contre la discrimination et une action égalitaire et inclusive.

Sa lutte et ses prises de position contre les discriminations

Elle s’était fait remarquer sur Canal + face à Éric Zemmour qui avait déclaré au sujet des nombreux contrôles d’identité visant les Français noirs et arabes : « C’est parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes, c’est un fait ».

« Pour la même raison qui m’a décidée à créer l’association antiraciste LesIndivisibles: je voulais écrire ce que j’avais trouvé nulle part ailleurs. Je voulais pointer du doigt le « racisme atmosphérique » auquel j’étais exposé mais que très peu de personnes dénonçaient, mon expérience du racisme, parfois assez complaisant. Certaines personnes par exemple me prêtent des qualités en danse ou en sport qu'elles attribuent à ma couleur de peau, me félicitent parce que je parle bien français, me demandent d’où je viens alors que je suis Française. Ce sont des choses qui n’ont l’air de rien mais qui font, qu’à force, on se pose des questions. «

Rokhaya Diallo, c’est zéro langue de bois quand elle aborde le sujet des discriminations en France. Ses prises de position ont d’ailleurs souvent suscité des polémiques, que ce soit au sujet de la loi sur les signes religieux dans les écoles publiques françaises ou par son soutien aux réunions « en non-mixité.

Au-delà des controverses dont elle est l’objet ou auxquelles elle participe, elle est la cible de nombreuses insultes publiques, de menaces et de cyberharcèlement. Ses combats et prise de position lui ont souvent valu d’être la cible d’attaques racistes.

« C’est très coûteux », reconnaît-elle, alors même qu’elle a consacré un documentaire à la question en 2014 (Les réseaux de la haine) après avoir reçu un tweet d’appel public au v*ol pour la punir de ses prises de parole.

« Quand on s’en prend à une femme ou à une femme racisée, c’est aussi un message qu’on envoie aux autres. Un message de dissuasion pour dire : attention, si vous prenez la parole, c’est ce qui va vous arriver. »

Mais elle a décidé de ne pas se taire. Et pour mener son combat tout en se préservant, elle se plonge dans l’écriture, sa soupape de sécurité. « Pour moi, l’écriture, la création documentaire et le voyage, ça crée un équilibre. »

Elle va plus loin encore en créant W.O.R.D., une formation à la prise de parole en 2022.

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