La charge mentale des femmes : « Au lieu de m’endormir paisiblement, je suis envahie par des pensées parasites »

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Si on te dit charge mentale des femmes, qu’est-ce que cela t’évoque ? Te sens-tu concernée par les sempiternels « chérie, maman, t’as pensé à » ? La charge mentale est ce poids psychologique et émotionnel dont beaucoup de frangines n’arrivent pas à se débarrasser. Pourquoi ? Car elles doivent penser à tout, tout le temps pour gérer leur vie de couple et/ou de famille. Sa particularité ? Faire passer les besoins des autres avant les siens et ainsi s’oublier, se faire passer en dernier, au risque de mettre sa santé en danger. Frangine a décidé de faire le point sur cette charge qui pèse beaucoup trop sur les femmes !

T’as pensé à… ?

Ce n’est plus à prouver : la charge mentale pèse majoritairement sur les femmes, mamans mais pas seulement. Et cette question, « T’as pensé à ? », illustre parfaitement le poids de cette charge mentale. Derrière cette expression, se cachent toutes les choses auxquelles les femmes doivent constamment penser.

« Chérie, t’as pensé à repasser ma chemise, à racheter du café, à passer au pressing ? »

« Maman, t’as pensé à acheter mes céréales préférés, à écrire le mot pour le collège, à faire un gâteau pour la kermesse ? »

A tel point qu’une maman et féministe, Marie, a créé un compte Instagram, taspensea suivi par 180 000 followers. Il propose chaque jour un témoignage de femme commençant par « Pour moi la charge mentale c’est ». Ces exemples sont la preuve du boulot qu’il reste à faire…

Près d’1 mère sur 2 (48%) déclare avoir une charge mentale énorme, l’évaluant entre 8 et 10/10.

La charge mentale, c’est avoir l’esprit sans arrêt occupé, débordé même, par peur d’oublier quelque chose. En plus de sa journée de femme et de femme active souvent, les rôles de compagne ou d’épouse conjugués à celui de mère de famille, s’ajoutent. Tout le monde compte sur toi mais tu peux difficilement déléguer ! Arrivée au bout de ta journée, tu n’en peux plus de fatigue, de stress parfois. Tout en sachant que le lendemain, ça va recommencer.

« J’ai des journées crevantes et souvent stressantes au boulot, comme beaucoup de monde » commence Amélie. « Et pourtant le soir, alors que je suis épuisée, que les enfants dorment enfin, impossible de dormir. Je me retrouve au lit les yeux grands ouverts, alors que mon conjoint, lui, dort comme un bienheureux. Le souci ? J’ai déjà en tête ma to do list à rallonge du lendemain ! Impossible de déconnecter mon cerveau » admet-elle.

Amélie résume très bien la place de cette charge mentale qui déborde même sur le temps de sommeil. Encore dans la course contre la montre de la journée, impossible de se mettre sur off. La fatigue engendrant la fatigue, c’est un cercle vicieux

Quelques chiffres sur la charge mentale des femmes

La charge mentale pèse sur les femmes en couple ou mariées. Mais cette situation s’amplifie à partir du moment où elles deviennent mères, même si elles vivent avec le père. Selon l’INSEE, les femmes effectuent 71% des tâches ménagères et 65% des tâches parentales.

Et pour les hommes qui veulent aider, trop souvent le souci est qu’ils attendent de leur femme qu’elle leur dise quoi faire, comme si c’était à elle de savoir quand et comment gérer les tâches de la maison ou l’éducation des enfants.

D’après une étude menée par IDM–Familie pour le site MagicMaman, 91 % des femmes ont le sentiment de devoir penser à trop de choses depuis qu’elles sont mamans.

Près d’1 mère sur 2 (48%) déclare avoir une charge mentale énorme, l’évaluant entre 8 et 10/10.

Selon l’INSEE, les femmes effectuent 71% des tâches ménagères et 65% des tâches parentales.

Cette charge mentale a un impact sur le quotidien :

  • 83 % des mères déclarent de la fatigue
  • 56 % une irritabilité
  • 46 % du stress
  • Pour 35 %, elle peut faire naître des tensions au sein du couple

De plus, 81 % des mères souhaiteraient avoir une aide :

  • 42% de leur conjoint avec une meilleure répartition des tâches
  • 38% en faisant appel à un service d’aide à la personne
  • 59 % pour déléguer le ménage, 40 % la préparation des repas

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Comment est définie officiellement la charge mentale ?

En 1984, la sociologue Monique HAICAULT définit la charge mentale comme le fait de « devoir penser simultanément à des choses appartenant à deux mondes séparés physiquement », tel que penser à ce qu’il faudra faire le soir à la maison lorsque l’on est au bureau.

Plus récemment, Le Larousse a fait entrer la charge mentale dans l’usage commun à travers la définition suivante : « un poids psychologique que fait peser (plus particulièrement sur les femmes) la gestion des tâches domestiques et éducatives, engendrant une fatigue physique et, surtout, psychique. »

La charge mentale, c’est bien ça : devoir penser à tout, partout, tout le temps. Anticiper, organiser et programmer les tâches du foyer, enfants inclus tout en travaillant le plus souvent.

« Chérie, t’as pensé à racheter du café ? Maman, t’as pensé à faire un gâteau pour la kermesse ? »

La charge mentale des femmes et des mères, ça donne quoi ?

Salomé nous raconte une journée type, où son rôle de maman déborde sur son travail, où ses soirées sont millimétrées. « Penser aux menus de la semaine dans la voiture, faire la liste des courses à ma pause déj’ et commander en ligne, passer au drive avant de rentrer. Une fois à la maison avec les enfants, ranger les courses, lancer une lessive, gérer les devoirs, préparer le dîner. Après manger, étendre le linge, et une fois les enfants couchés, le silence enfin là, être trop fatiguée pour me détendre et me rappeler que le lendemain c’est le rendez-vous chez le médecin du petit dernier ou l’entraînement de basket du plus grand ».

C’est l’accumulation des différents rôles à tenir, auxquelles se rattachent des préoccupations, des obligations et des actions qui créent la charge mentale. Pour peu que la maman soit solo, que le papa travaille tard ou soit en déplacements réguliers ou qu’il ne participe pas à grand-chose, la charge peut exploser à tout moment.

« Au lieu de m’endormir paisiblement, je suis envahie par des pensées parasites » poursuit Amélie. « Penser à racheter des croquettes pour le chat, au rendez-vous chez le dentiste de ma fille, à acheter un maillot de bain pour les séances de piscine de mon fils. Ai-je rappelé ma mère, fait le chèque pour la sortie scolaire, mis mon réveil ? »

La charge mentale, c’est cette to do list mentale, ce stress des tâches à accomplir avant qu’elles ne s’accumulent trop. Ce sont toutes ces choses qui pèsent parce que tu te sens obligée d’y penser en permanence. Pourquoi ? Parce que personne ne le fait à ta place, que tout le monde compte sur toi pour le faire ! Et que si tu dis « stop », ce ne sera pas fait et tu crains les conséquences.

Pourquoi cette différenciation genrée de la charge mentale ?

Dans l’imaginaire collectif, les femmes sont conditionnées dès l’enfance à prendre soin de la maison et de leurs mari et enfants, et les hommes subviennent aux besoins de leur famille. La principale raison est l’éducation « genrée » dans nos sociétés : garçons et filles sont, inconsciemment le plus souvent, éduqués de manière différente selon leur genre, ce qui les conditionne dans un rôle d’emblée.

Puis avec la pression sociale très forte, les tâches domestiques et parentales ayant longtemps été confiées aux femmes, la société s’est organisée en fonction de ces rôles. Comme si c’était inné, normal. La charge mentale découle directement de ces différences sociétales.

Nous, les femmes avons-nous une part de responsabilité ? Reproduit-on, pour certaines et malgré nous, un schéma hérité de nos mères et nos grands-mères ? Et pour d’autres, avons-nous du mal à faire confiance aux hommes, à déléguer, soucieuses du travail bien fait ?

« Nos deux premières années de vie commune, on a cherché nos marques » se rappelle Suzanne. Moi, à reproduire ce que ma mère faisait, mon compagnon à tenter de trouver sa place à la maison. Notre éducation pesait sur nos habitudes, jusqu’à ce que je réalise que je me tirais une balle dans le pied ! Je me rappelle de mon père assis sur son fauteuil pendant que ma mère passait l’aspirateur ou de ma mère râlant parce que mon père avait mal rangé quelque chose. Et je me suis dit, jamais chez moi ! Après quelques tâtonnements, on a trouvé notre propre organisation dans la répartition des tâches. Cela nous convient à tous les deux. Une autre difficulté est arrivée quand on a eu nos enfants par contre… »

Ce que l’on peut dire, c’est que même lorsqu’il y a une (presque) égalité au sein du couple, un problème demeure. Et il n’est pas suffisamment pris en considération : c’est que ce sont souvent les femmes qui doivent penser aux choses, tandis que les hommes attendent qu’on leur dise de faire les choses. C’est une réalité qui semble exister depuis toujours. Et si les mentalités évoluent (trop) doucement, certaines habitudes ont la vie dure !

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« Au lieu de m’endormir paisiblement, je suis envahie par des pensées parasites »

Quelles sont les conséquences de cette charge mentale des femmes ?

La charge mentale peut avoir de nombreuses conséquences. Si les premiers signaux sont facilement détectables, on ne se dit pas pour autant que la charge mentale en est la cause. On pense au stress, à l’anxiété, à une extrême fatigue, aux insomnies… Mais ce trop-plein de tout, d’émotions, de responsabilités et de charges entraîne une pression, de la culpabilité et parfois de la honte à ne pas y arriver. Arrive alors le point de non-retour, le craquage.

Ces symptômes d’épuisement physique et émotionnel doivent être pris au sérieux, sinon ils peuvent être lourds de conséquences sur les femmes qui en souffrent. Migraine, maladie de peau, maux de ventre, burn-out maternel, dépression…

« Je n’ai pas compris immédiatement l’ampleur de mon état » nous confie Salomé. « C‘était la fatigue au réveil de plus en plus pesante, le stress permanent d’être en retard au travail, des maux de ventre, le manque de patience avec mes deux enfants, des crises de larmes dans les toilettes en cachette. »

Concrètement, c’est ta charge mentale qui peut être à l’origine de ton mal de dos ou de tes troubles digestifs qui te pourrissent la vie depuis des mois. C’est ça qui est responsable de la boule au ventre que tu traînes pour aller travailler. Et c’est également ça, la crise d’angoisse qui monte alors qu’objectivement, tu penses que tout va bien dans ta vie. Sauf que ta vie, quelque part, elle ne t’appartient plus.

Cela a des conséquences graves sur toi, mais aussi sur ton couple et tes enfants, parfois ton travail. Parce que tu es une femme géniale, oui, une maman en or et une conjointe au top, mais non, tu n’as pas de supers-pouvoirs !

« C‘était la fatigue au réveil de plus en plus pesante, le stress permanent d’être en retard au travail, des maux de ventre, le manque de patience avec mes deux enfants, des crises de larmes dans les toilettes en cachette. »

Quelles solutions pour partager la charge mentale ?

Il n’y a pas de secret ni de solution miracle, pour changer les choses, il faut changer les mentalités. Si les choses bougent, cela demande du temps. Le système patriarcal est bien ancré dans les mœurs et si la place de la femme dans la société a changé, cela n’a pas modifié les comportements en profondeur.

En premier lieu, il faut donc changer les mentalités en couple, tout part de là. Pour certains couples c’est presque une évidence, pour d’autres beaucoup moins. La définition des rôles et la répartition des tâches ne sont pas encore à l’équilibre chez la plupart d’entre eux.

Cette problématique peut être partagée par les enfants dès le plus jeune âge. En effet, les enfants agissent par mimétisme. Ce que fait papa, ce que fait maman, ils observent et reproduisent. Plus c’est tôt, plus cela devient naturel pour eux au fil des années.

« Avec mon conjoint, on s’est longtemps disputés au sujet des enfants » nous avoue Suzanne. « C’est un père présent mais qui a longtemps considéré que maman et papa avaient deux rôles bien distincts. Et je ne suis pas d’accord ! A lui les temps de jeux et de rires et à moi les bains et repas ? Non ! Il a eu le déclic quand il a entendu notre fils dire à sa sœur ‘t’es une fille, tu dois faire à manger et moi je joue’. Il a réalisé que notre fils reproduisait son comportement et il a eu honte je crois. Tant mieux quelque part, depuis notre vie de famille est beaucoup plus harmonieuse, et je dis merci à mon fils pour ça » sourit-elle.

Tout changement en profondeur et sur le long terme commence par une bonne éducation des habitudes et valeurs que l’on souhaite transmettre.

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La charge mentale des femmes est-elle enfin prise au sérieux ?

Une lueur d’espoir existe-t-elle ? La société est en mutation profonde, notamment d’un point de vue social, familial et amoureux. Et cela impacte les rapports de genre et le rôle de l’homme et du père dans le couple et la famille. Est-on en pleine régression ou au contraire sur la bonne voie pour soulager réellement les femmes de leur charge mentale trop lourde ?

Une nouvelle génération d’hommes qui semblent plus impliqués et les questions d’égalité des sexes vont-elles faire bouger les choses ? Enfin ?

Les femmes et les mères ont peur de trop espérer car on le sait, le problème vient surtout de notre éducation et des modèles genrés. Pour transformer la société, il faut commencer par changer ce modèle de famille. Pour cela, les pères et les mères doivent être des modèles d’égalité au sein du foyer pour leurs enfants. A-t-on raison de vouloir y croire ou est-ce de la naïveté ? En tout cas, ce qui est sûr, c’est qu’il ne faut rien lâcher !

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