Marguerite Yourcenar : première femme à l’Académie française

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Née en Belgique, Marguerite Yourcenar est pourtant une figure incontournable de la littérature française du 20e siècle. Elle est une précurseure dans de nombreux domaines et bien évidemment dans celui où elle excelle : le domaine littéraire. Son écriture a un style unique. C’est la première femme membre de l’Académie française. Et aussi celle dont l’œuvre a été publiée de son vivant dans la Bibliothèque de la Pléiade. Portrait d’une écrivaine inclassable, d’une voyageuse curieuse des civilisations anciennes et des autres cultures dans lesquelles elle puisait l’inspiration pour ses écrits. D’une femme plurielle aux multiples plumes.

Les jeunes années de Marguerite Yourcenar

Marguerite Yourcenar, de son vrai nom Marguerite Cleenewerck de Crayencour, est née le 8 juin 1903 à Bruxelles dans une famille de l’ancienne bourgeoisie. Le pseudonyme qu’elle choisit pour ses écrits, Yourcenar, est l’anagramme de son nom de famille Crayencour, avec un « c » en moins.

Elle est la fille de Michel de Crayencour et de Fernande de Cartier de Marchienne, qui décède malheureusement quelques jours après sa naissance. Elle est élevée en France, dans le Nord, par sa grand-mère paternelle et par son père, anticonformiste et grand voyageur.

Pendant son enfance, elle passe ses hivers dans l’hôtel particulier de sa grand-mère à Lille. Et ses étés, jusqu’à la Première Guerre mondiale dans le château familial situé au sommet du Mont-Noir dans le Nord.

Après la mort de sa grand-mère, son père vend le château. Il emmène Marguerite dans ses voyages : Londres pendant la guerre puis le Midi de la France, la Suisse, l’Italie. Sans avoir été scolarisée, elle valide la première partie de son baccalauréat à Nice puis son baccalauréat latin-grec à Aix-en-Provence.

En 1921, à tout juste 18 ans, elle publie à compte d’auteur son premier poème, Le Jardin des chimères. Jusqu’en 1929, elle s’essaiera à tous les genres littéraires jusqu’à son premier succès. La pluralité de sa plume restera sa signature.

« C’est avoir tort que d’avoir raison trop tôt. »

Ses débuts littéraires

C’est à la mort de son père en 1929 que Marguerite Yourcenar se consacre totalement à la littérature. Elle publie son premier roman. Alexis ou le traité du vain combat. Elle y raconte l’histoire d’un musicien célèbre qui avoue à sa femme son homos*xualité et lui fait part de son désir de la quitter. Le thème est audacieux pour l’époque et révèle le style minutieux et épuré de l’auteure dans le style du classicisme.

En parallèle, elle vit une vie de bohème entre Paris, Lausanne, Athènes et les îles grecques ou encore Istanbul.

Elle publiera d’ailleurs La Nouvelle Eurydice en 1931 puis Nouvelles orientales, écho de ses voyages. Mais elle n’abandonnera pas la poésie avec Feux, recueil de poèmes en prose d’inspiration mythologique ou religieuse. Elle y parle du désespoir amoureux.

Une vie aux États-Unis

La Seconde guerre mondiale marque le début de la vie américaine pour Marguerite Yourcenar. Si elle a aimé un temps André Fraigneau, écrivain et éditeur chez Grasset, elle assume sa bis*xualité. En 1938, elle rencontre Grace Frick, professeure de littérature britannique à New York, qu’elle rejoint aux Etats-Unis en 1939. Celle-ci traduit l’œuvre de Yourcenar en anglais.

Pendant la guerre, l’autrice publie quelques articles dans Les Lettres françaises mais surtout des pièces de théâtre ayant pour sujet la pensée grecque. Elle traduit également des Negro Spirituals, musique sacrée née chez les esclaves noirs américains au 19e siècle à l’origine du gospel.

Naturalisée américaine en 1947, Marguerite Yourcenar enseigne la littérature française et l’histoire de l’art jusqu’en 1953. En 1950, elles s’installent toutes les deux sur l’île des Monts Déserts dans le Maine. Elles y vivent ensemble jusqu’au décès de Grace d’un cancer du sein en 1979. Hypocondriaque et sujette à la dépression, Marguerite y passera le reste de sa vie, alternant périodes d’isolement et voyages qui alimentent son inspiration.

Marguerite Yourcenar et sa s*xualité : une femme moderne libre pour son époque

Marguerite Yourcenar était une femme résolument moderne aux convictions affirmées pour son époque. Elle a toujours assumé sa s*xualité, s’affirmant bis*xuelle et lesbienne. Ce tempérament libéré de tout jugement se retrouve dans son œuvre littéraire. En effet, la s*xualité et les relations sentimentales douloureuses sont des thèmes qui y reviennent de façon récurrente.

« L’insolite et l’illicite, deux ingrédients indispensables de toute p*rn*graphie. »

Marguerite Yourcenar, préface de Gita Govinda ; les amours de Krishna 

Mémoires d’Hadrien et L’œuvre au noir : la consécration de l’écrivaine

En 1951 de sa passion pour le monde gréco-latin naît le roman Mémoires d’Hadrien qui connaît un succès mondial. Il lance véritablement la carrière de Marguerite Yourcenar. Il sera récompensé par le Prix Femina-Vacaresco, puis par l’Académie française en 1952. Également couronnée du Newspaper Guild of New York Page One Award en 1955, l’œuvre permet à Marguerite Yourcenar d’affirmer définitivement son statut d’écrivaine.

Le véritable lieu de naissance est celui où l’on a porté pour la première fois un coup d’œil intelligent sur soi-même : mes premières patries ont été les livres. 

Mémoires d’Hadrien

Dans les années 1950 et 1960, l’écrivaine écrit une dizaine d’ouvrages : essais, pièces de théâtre, poésies.

Mais c’est à partir de mars 1964 qu’elle se consacre exclusivement au roman L’Œuvre au noir. Paru au printemps 1968, il reçoit un large accueil. En novembre 1968, il est récompensé par le Prix Femina. Elle travaille ensuite avec le réalisateur André Delvaux à son adaptation cinématographique qui sortira en salles en 1988.

Ce roman commencé dès 1924 fait figure de clé de voûte de l’œuvre de Yourcenar : héros socratique, qui donne plus de prix à sa liberté qu’à sa vie et décide d’affronter la mort en face. Il incarne celui pour qui la quête de sens transite nécessairement par « l’abîme ».

« Il faut toujours un coup de folie pour bâtir un destin. »  

Les yeux ouverts, Marguerite Yourcenar

Élue à l’Académie belge de Langue et de Littérature françaises en 1971, elle entame ensuite une enquête sur ses ancêtres. Cela formera la trame de son œuvre en trois volets intitulée « Le labyrinthe du monde ». Le premier volume « Souvenirs Pieux » sort en 1974 et le second en 1977. Peu de temps avant sa mort, elle se rend à Paris où elle livre la début du récit Le Labyrinthe du monde III : Quoi ? L’Éternité qui paraîtra après sa mort en 1988.

Jusqu’à son décès en 1987, elle continue d’écrire romans, poèmes et contes, tient des conférences et entretient plusieurs correspondances.

Tant qu’un être inventé ne nous importe pas autant que nous-mêmes, il n’est rien.

La plus grande distinction : son élection à l’Académie française

En 1971 lui est décernée la Légion d’honneur puis en 1977 le Grand Prix de littérature de l’Académie française.

Le 6 mars 1980, Marguerite Yourcenar est élue à l’Académie française. Première femme à intégrer l’institution, elle succède à Roger Caillois.

Pour autant, bien qu’elle ait obtenu le Grand Prix de littérature de l’Académie Française en 1977, son entrée au sein de l’institution ne fut pas sans difficulté. L’admission de Marguerite Yourcenar aux côtés des « sages » provoque une vive polémique parmi les académiciens peu emballés à l’idée d’élire une femme.  C’est le soutien de Jean d’Ormesson, écrivain à l’initiative de sa candidature qui fait toute la différence.

Cette élection est une consécration littéraire pour Marguerite Yourcenar mais aussi un pas important pour la reconnaissance des femmes. Elle ouvre ainsi la voie à l’élection d’autres femmes à l’Académie française telles que Béatrix Beck et Danièle Sallenave.

Marguerite Yourcenar siègera à l’Académie française jusqu’à sa mort à l’âge de 84 ans.

D’autres prix et distinctions jalonnent sa carrière jusqu’à la fin. En 1982, l’Académie américaine des Arts et des Lettres l’accueille. En 1983, elle reçoit le prix Érasme et en 1986, l’insigne du commandeur de la Légion d’honneur à New York et la médaille d’or du National Art Club.

Tu peux lire aussi notre article sur Simone de Beauvoir : Le portrait d’une frangine engagée et visionnaire

La fin de sa vie

La dernière partie de sa vie se partage entre l’écriture sur son île et de longs voyages, notamment avec le jeune réalisateur américain Jerry Wilson. Il est son dernier secrétaire et compagnon qui meurt du sida le 8 février 1986.

Marguerite Yourcenar décède le 17 décembre 1987. Ses cendres sont déposées au cimetière de Somesville, près de là où elle vécut ses premières années dans le Maine avec sa compagne Grace.

Trois dalles funéraires s’y trouvent : la première, réservée à Grace Frick, porte l’inscription, reprise de Mémoires d’Hadrien, « HOSPES COMESQUE » (« hôte et compagne »). La deuxième, à la mémoire de Jerry Wilson, porte sur la tranche l’inscription en grec « ΣΑΠΦΡΩΝ ΕΡΩΣ / SAPPHRŌN ERŌS » (ce qui signifie selon Yourcenar : « le calme et intelligent amour »). Enfin, la troisième, gravée partiellement avant son décès, porte une épitaphe tirée de L’Œuvre au noir : « Plaise à Celui qui Est peut-être de dilater le cœur de l’homme à la mesure de toute la vie. »

« Personne ne sait encore si tout ne vit que pour mourir ou ne meurt que pour renaître »

La richesse des inspirations de Marguerite Yourcenar

Romancière, nouvelliste et autobiographe, elle était aussi poétesse, traductrice, essayiste et critique littéraire. Elle se disait d’ailleurs « romancière-historienne ». Elle est l’auteure d’une œuvre inclassable comprenant des romans, des poèmes, des pièces de théâtre, des nouvelles, des essais, des traductions et des chroniques familiales. Grande voyageuse curieuse des civilisations anciennes, elle a puisé son inspiration dans la Grèce et la Rome antiques. Mais aussi dans la culture afro-américaine et dans les sagesses orientales, celles de l’Inde et du Japon en particulier. Amoureuse de la nature, consciente de la fragilité des écosystèmes, elle est une fervente humaniste et une écologiste avant l’heure.  

D’ailleurs, en 1982, la Fondation Marguerite-Yourcenar est créée. Cette fondation protège la faune et la flore sauvage et est, notamment, à l’initiative de la création d’une réserve naturelle dans les monts des Flandres, chers aux origines de l’auteure.

Ses livres sont traduits en une quarantaine de langues et ont donné lieu à plusieurs adaptations cinématographiques.

Ses publications à titre posthume

Plusieurs écrits de Marguerite Yourcenar sont parus à titre posthume. En 1991 paraît à la Bibliothèque de la Pléiade Essais et mémoires et en 1993 plusieurs contes : Conte bleu – Le Premier Soir – Maléfice.

On retiendra surtout les recueils de ses correspondances sous le titre Lettres à ses amis et quelques autres en 1995.

En 1999 sont publiés les entretiens de Marguerite Yourcenar et de Jacques Chancel dans l’émission radiophonique Radioscopie diffusée de la fin des années 1960 aux années 1980.

D’autres correspondances sont publiées dans les années 2000, portant son œuvre à la postérité plus de 15 ans après sa mort.

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