Mathilde vétérinaire : « ll m’est arrivé de songer à arrêter à cause de la pression subie »

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Dans cette rubrique vie pro on a à coeur de donner la parole à toutes nos frangines pour qu’elles nous parlent de leurs métiers. Il existe tellement de professions que finalement, la plupart du temps, on ne sait pas vraiment ce qui se cache derrière les intitulés de postes ! Ici, on parle sans tabou et sans langue de bois de tous les métiers mais aussi des salaires et de la façon dont chaque frangine gère sa vie financière. Parce qu’on est toutes des guerrières et que chaque profession mérite d’être saluée !

Aujourd’hui, on a rencontré Mathilde, 34 ans et vétérinaire

Portrait vétérinaire

D’aussi loin qu’elle se souvienne, Mathilde* a toujours rêvé d’être vétérinaire. Et elle y est arrivée ! A 34 ans la jeune femme exerce en Loire Atlantique. Cette frangine nous raconte son métier en toute sincérité avec ses joies mais aussi ses difficultés.

Le parcours et les études de Mathilde

Pour devenir vétérinaire, les études sont longues et fastidieuses. Mathilde a d’abord fait une licence de biologie avant de passer le concours B. Ce concours est ouvert aux inscrits en troisième année de préparation d’un diplôme national de licence Sciences de la vie. L’accès aux écoles de vétérinaire est très sélectif, le taux de réussite varie de 7 à 20 % selon les concours. La filière est réputée, plus élitiste encore que médecine ! Les études vétérinaires françaises seraient d’ailleurs les plus longues et les plus dures d’Europe.

Mathilde n’a pas eu le concours du premier coup, la jeune femme a alors retenté l’année d’après. Bingo ! Elle entre à l’École vétérinaire de Nantes. En France, il existe seulement 5 écoles vétérinaires dont une privée. La jeune femme choisie de se spécialiser en canin/félin pur. Les vétérinaires avec une activité exclusive « animaux de compagnie » représentent plus de 70% des effectifs.

La pluralité du métier

Dans la vie d’une vétérinaire une journée ne ressemble à aucune autre ! Également suivant la spécialisation choisie, le métier est très différent. Mathilde est vétérinaire 100% canin (chien chat) avec une activité libérale. Dans la matinée, la jeune vétérinaire réalise des chirurgies de convenance ( castration et ovariectomie ) Toutes les interventions non indispensables mais qui arrangent beaucoup la vie du propriétaire ! Puis la journée s’enchaîne avec des consultations et des examens complémentaires.  » J’aime la pluralité de ce métier : en une heure on peut faire une chirurgie, une réflexion de médecine et une échographie. On s’ennuit rarement ! « , confie Mathilde.

Lors de ses consultations, la vétérinaire rencontre souvent des situations cocasses.  » Un jour j’ai eu une série de chats qui étaient en réalité des chattes et vice versa. De gros moments de solitude en chirurgie lorsque que je cherchais des ovaires qui n’existaient pas ! Récemment, j’ai dû m’occuper de chats dont les noms affichaient clairement les pensées et idées politiques des propriétaires… (le chat s’appelle « White Pride » ). Rien que ça ! « 

Qualités vétérinaire

« Les difficultés de communications sont à l’origine de la plupart des procès envers les vétérinaires. »

Selon Mathilde, un des points noir de ce métier est les difficultés de communication que l’on peut rencontrer avec certains propriétaires. Pour faire ce métier, il faut être diplomate !  » Pour être un bon vétérinaire, il est presque aussi important de savoir dialoguer et communiquer avec les propriétaires d’animaux que de savoir bien soigner leur animal. Les difficultés de communications sont à l’origine de la plupart des procès envers les vétérinaires. Soit les propriétaires ne comprennent pas tout, soit le vétérinaire n’expose pas tous les tenants et les aboutissants, en prévenant des risques, des aléas… De plus, les propriétaires d’animaux de compagnie sont de plus en plus exigeants et avec la conjoncture actuelle ils ont de moins en moins de moyens financiers… d’où parfois le refus de soins (médicaux / chirurgicaux) et l’impression de ne pas pouvoir faire notre travail parfaitement… », confie la jeune vétérinaire.

Les vétérinaires ont 3 à 4 fois plus de risque de suicide que la population générale

Vétérinaire est assurément un métier d’avenir, on aura toujours besoin de vétérinaires. En 2021, plus d’un français sur deux possédait un animal de compagnie selon une enquête publiée par la Facco. Mais le métier n’est pas aussi parfait que ce que l’on peut croire !  » J’espère que nous arriverons à rester indépendants car actuellement il y a un rachat des cabinets de vétérinaire par les chaînes commerciales. J’espère également que les écoles vétérinaires privées resteront minoritaires (sélection sur l’argent ! ). Mais surtout que les vétérinaires arriveront à demander de l’aide au moment voulu, avant d’en arriver à un point de non retour.  » En effet, selon une étude de l’Ordre national des vétérinaires et Vétos-Entraideil, les vétérinaires ont 3 à 4 fois plus de risque de suicide que la population générale !

 » Le fort taux de suicide chez les vétérinaires a une origine multifactorielle : métier idéalisé par beaucoup de personnes ; internet comme meilleure source d’information pour les propriétaires ; réseaux sociaux/avis internet négatifs et bashing au moindre souci ; charge mentale ; accès facile à des produits utilisés pour les euthanasies ; « dédramatisation » de la mort avec les euthanasies que l’on pratique… « , explique Mathilde. En 2021, le mouvement NOVM, Not One More Vet ( pas un véto de plus ), a vu le jour sur les réseaux sociaux, suite à l’annonce du suicide d’un vétérinaire américain. Ce mouvement a rapidement dépassé les frontières, la France connaissant les mêmes problématiques.

« J’ai mis du temps à retrouver confiance en ce si beau métier. »

« Moi même il m’est arrivé de songer à arrêter ce travail à cause de la pression subie par les propriétaires et les patrons. C’était au tout début de ma carrière, j’étais en CDD, j’avais 45 min /1h de route matin ET soir, des gardes à faire sur place vue la distance qui me séparait de mon domicile, des plannings qui débordaient et des collègues (sauf une, vétérinaire aussi, heureusement qu’elle était là ! ) pas forcément agréables. Je rentrais tous les soirs en voulant boire un verre de vin, puis 2 … Heureusement que je m’en suis rendue compte à temps ! Et que mon contrat s’est arrêté. Après cette expérience, j’ai mis du temps à retrouver confiance en ce si beau métier et accepter de travailler plus de 1 jour par semaine…« , confie avec honnêteté la jeune femme. Avant de reprendre,  » En plus du taux de suicide élevé, la profession souffre également du manque de confrères et de consœurs à recruter. Bon nombre de nouveaux vétérinaires arrêtent ce métier au bout de 1 ou 2 ans. Et certains jeunes n’acceptent désormais que des CDD afin de pouvoir voyager le reste de l’année. »

Ces dernières années on assiste également à une réelle pénurie des vétérinaires de campagne. En 2020, sur 18.500 inscrits à l’Ordre des vétérinaires, seuls 3600 travaillent dans des zones rurales. Si Mathilde aime son métier, elle souhaite alerter les jeunes de la complexité du métier de vétérinaire. Elle leur conseille également de se renseigner sur les différentes voies d’accès aux écoles de vétérinaires (concours A, B, C, D ).

Si vous êtes intéressés par le sujet et notamment le mouvement NOVM, voici deux articles très intéressants rédigés par des vétérinaires :
https://www.temavet.fr/presse-veterinaire/experience-au-travail/bien-etre-au-travail/euthanasier-le-suicide-746944.php
https://www.temavet.fr/presse-veterinaire/lettre-a-j-703552.php

La gestion financière de Mathilde

Mathilde est en temps partiel à 68%. La jeune femme gagne 2000 euros par mois. Avec son conjoint et ses deux enfants, ils habitent dans une maison de 135m2. Suite à l’arrivée de son deuxième enfant, Mathilde reçoit une allocation PrePare. Le couple paye 1000 euros de loyer et 400 euros de charges. Chaque mois, la jeune femme arrive à se faire de petits plaisirs notamment, » esthétique principalement mais aussi un peu de shopping. »

Ces dernières années, la jeune femme a réussi à mettre de côté une petite épargne de 3500 euros. La famille fait régulièrement des travaux dans leur maison. Leur prochain projet ?  » Une nouvelle cuisine ! « , nous dit avec enthousiasme Mathilde.

En devenant vétérinaire, Mathilde a réalisé son rêve de petite fille. Et malgré les inconvénients et les difficultés, la jeune femme ne se voit faire autre chose pour rien au monde !

* Le prénom a été modifié pour préserver l’anonymat de notre frangine

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