Simone Veil : portrait d’une pionnière inspirante

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« Nous vous aimons, Madame », déclarait Jean d’Ormesson en 2010 dans le discours de réception de Simone Veil à l’Académie française. Son engagement pour la mémoire de la Shoah, sa fidélité aux valeurs de la République et son attachement à la cause des femmes ont fait de Simone Veil une pionnière. Que ce soit son discours de 1974 à l’Assemblée nationale en faveur de la dépénalisation de l’avortement ou celui prononcé à l’occasion des soixante ans de la libération d’Auschwitz, les mots de Simone Veil résonnent encore aujourd’hui. Cette icône de la lutte pour les droits des femmes a une place bien particulière dans le cœur, l’histoire et la mémoire des Français.

Les premières années de Simone Veil

Née le 13 juillet 1927 à Nice, benjamine de quatre enfants, Simone Veil est issue d’une famille juive, patriote et laïque. Sa mère, Yvonne Steinmetz, était une brillante bachelière et étudiante en chimie même si elle a fait le choix de devenir mère au foyer pour élever ses 4 enfants. Son père, André Jacob, diplômé des Beaux-Arts de Paris, deuxième prix de Rome, commence une carrière d’architecte après la Première Guerre mondiale pendant laquelle il fut 4 ans prisonnier.

La famille quitte Paris et s’installe à Nice en en 1924, le père de Simone voyant en l’essor de la construction sur le littoral méditerranéen une opportunité. Mais la crise de 1929 va frapper la famille, comme celles de nombreux Français.

Simone Veil grandit néanmoins dans une famille cultivée de ce milieu petit-bourgeois de province. Elle y a une belle enfance, participant aux activités des mouvements d’éclaireuses même si ses parents sont peu politisés. Toutefois, on peut trouver les prémices de la vocation politique de Simone Veil dans le modèle maternel. En effet, Yvonne Steinmetz transmet à ses filles une velléité d’indépendance qui, selon elle, doit se faire par les études puis par une activité professionnelle autonome.

« Ma revendication en tant que femme c’est que ma différence soit prise en compte, que je ne sois pas contrainte de m’adapter au modèle masculin. »

Simone Veil

Mais l’entrée dans la Seconde guerre mondiale va tout bouleverser. Si la zone sud constitue pendant les premières années de guerre un refuge relatif pour les Juifs, l’arrivée des troupes allemandes et de la Gestapo en septembre 1943 change radicalement la situation. 

La Seconde guerre mondiale et la déportation juive

Le premier statut des Juifs avec l’obligation pour eux de se déclarer aux autorités est promulgué par le régime de Vichy. Le père de Simone Veil perd le droit d’exercer son métier tandis que sa mère se débrouille pour nourrir la famille. Malgré la prise de contrôle de la côte d’Azur par les allemands et le climat antisémite ambiant, Simone obtient son baccalauréat en mars 1944.

“C’est tout à fait extraordinaire qu’il ait fallu attendre Jacques Chirac pour que soit reconnue la responsabilité de l’Etat français dans la déportation des juifs. ”

Simone Veil

Mais elle sera arrêtée juste après, le 30 mars 1944 à Nice à l’occasion d’un contrôle de rue, malgré son nom d’emprunt, Simone Jacquier. Elle a alors 16 ans. Elle est conduite à l’hôtel Excelsior qui servait de lieu de rassemblement des juifs avant leur départ vers l’Allemagne. Les autres membres de sa famille sont arrêtés également, hormis sa sœur Denise, engagée dans la Résistance, qui sera par la suite déportée à Ravensbrück.

Simone est envoyé au camp de Drancy tandis que son père et son frère partent vers la Lituanie d’où ils ne reviendront jamais. Simone, sa mère et l’une de ses sœurs quittent Drancy pour Auschwitz-Birkenau mi-avril. Sur les conseils d’un prisonnier, elle déclare avoir plus de 18 ans, ce qui lui évite l’extermination. Un tatouage sur son bras portant matricule 78651 est désormais son « sésame » pour le travail forcé.

“Soixante ans plus tard, je suis toujours hantée par les images, les odeurs, les cris, l’humiliation, les coups et le ciel plombé par la fumée des crématoires. ”

Simone Veil

Elle le fera d’ailleurs graver sur son épée d’académicienne, en 2010.  Deux fois transférée, à Bobrek puis à Bergen-Belsen où elle est affectée en cuisine, elle survivra à l’horreur de l’holocauste, ainsi que sa sœur sauvée de justesse par l’arrivée des alliés en 1945.

Elle aura perdu dans les camps son père, son frère et sa mère, emportée par le typhus. Ne restera de la famille que Simone et ses deux sœurs à la fin de la guerre.

Simone Veil après-guerre : une ascension fulgurante en politique

Simone Jacob retrouve la France en mai 1945 et choisit dans un premier temps de passer sous silence les souvenirs de cette déportation. Elle épouse Antoine Veil, un futur inspecteur des Finances le 26 octobre 1946 et donne naissance à trois fils en 1947, 1948 et 1954.

Elle obtient une licence en droit et un diplôme de l’Institut d’Études Politiques de Paris, puis, en 1956, le concours de la magistrature. La voilà en haut fonctionnaire de l’administration pénitentiaire. En 1970, elle devient secrétaire général du Conseil Supérieur de la Magistrature.

Après la mort de Georges Pompidou et l’élection de Valéry Giscard d’Estaing, elle est nommée Ministre de la Santé sous le gouvernement de Jacques Chirac et le reste sous les gouvernements de Raymond Barre.

Tête de liste UDF lors des élections de 1979, elle est élue première présidente du Parlement européen au suffrage universel direct jusqu’en 1982. Elle reste députée européenne jusqu’en 1993 avant d’être nommée Ministre d’État des Affaires sociales dans le gouvernement d’Édouard Balladur (1993-1995) et de terminer sa carrière au Conseil constitutionnel (1998-2007). Elle s’engagera en 2005 pour le « oui » au Traité européen.

En mars 2007 elle soutient Nicolas Sarkozy, un ami fidèle, à l’élection présidentielle. Proche de la famille centriste, Simone Veil se tient ensuite aux côtés de Jean-Louis Borloo lors du congrès fondateur de l’Union des démocrates et indépendants (UDI), en octobre 2012.

Simone Veil : une icône de la lutte pour les droits des femmes

Sa loi pour le droit à l’avortement en a fait la « mère courage » de toute une génération de femmes. Mais Simone Veil était avant tout une féministe engagée, et pas seulement pour le droit à l’IVG.

« J’ai souvent eu l’impression d’être une femme alibi. Partout où je suis passée, j’ai entendu : Mais si, on donne la parole aux femmes puisqu’il y a Simone Veil. »

Simone Veil

Dès le premier Conseil des ministres, le sujet de la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est abordé par le Président Giscard d’Estaing. Face au problème de l’avortement clandestin, il y a urgence. Simone Veil est chargée de faire adopter le projet de loi. Portée par le mouvement féministe et soutenue par le ministre de l’Intérieur, Michel Poniatowski, Simone Veil affronte les attaques.

C’est dans une grande agitation que, le 26 novembre 1974, le président de l’Assemblée nationale, Edgar Faure, lui donne la parole. Son long discours va bouleverser la société française et faire entrer Simone Veil dans l’Histoire.

“Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement (…). C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame. L’avortement n’est jamais une victoire.”

Simone Veil

Pour lire l’intégralité de son discours : discours de Simone Veil sur l’IVG à l’Assemblée Nationale en 1974

Mais le vote de la loi ne se fait pas sans heurts, même si elle sera finalement votée dans la nuit du 29 novembre par 284 voix contre 189. Puis le texte est voté au Sénat. La loi est finalement promulguée le 17 janvier 1975, elle prévoit que : « la femme enceinte que son état place dans une situation de détresse peut demander à un médecin l’interruption de sa grossesse. Cette interruption ne peut être pratiquée qu’avant la fin de la dixième semaine. »

Promulguée pour cinq ans, la loi sera définitivement adoptée en 1979. En 2001, le délai pour pratiquer un avortement est rallongé à douze semaines.

“Ma loi a bouleversé les relations entre hommes et femmes.”

Simone Veil

Son engagement dans le devoir de mémoire de la Shoah

En parallèle de son rôle au Conseil Constitutionnel, Simone Veil devient la première présidente, désignée par Lionel Jospin Premier ministre, de la Fondation pour la mémoire de la Shoah en 2000 et jusqu’à 2007. Par la suite, elle demeurera présidente d’honneur jusqu’à sa mort.

Cela devient son principal engagement. Cette fondation est chargée de transmettre le souvenir de la Shoah aux générations futures mais aussi d’en améliorer la connaissance. Transmission et devoir de mémoire sont au cœur de cette fondation.

Pour cela, une part du budget est consacrée au musée du Mémorial, qui abrite à la fois le mur des Déportés et le mur des Justes. Le 18 janvier 2007, aux côtés du Président de la République Jacques Chirac, Simone Veil dévoile dans la crypte du Panthéon une plaque dédiée aux Justes parmi les nations qui « bravant les risques encourus, ont incarné l’Honneur de la France, ses valeurs de Justice, de Tolérance et d’Humanité. »

Les hommages de la France à Simone Veil

Élue en 2008 à l’Académie française au fauteuil n° 13 qui fut celui de Paul Claudel, mais aussi celui de Jean Racine, Simone Veil est promue Grand Officier de la Légion d’Honneur le 1er janvier 2009 et entre sous la Coupole le 18 mars 2010.

En 2012, François Hollande, président de la République, lui remet les insignes de grand-croix de la Légion d’honneur.

Mais après le décès de son mari et de sa sœur en 2013, Simone Veil se retire de la vie publique. En août 2016, elle est hospitalisée pour détresse respiratoire.

Simone Veil meurt à son domicile parisien le 30 juin 2017, peu de temps avant son 90e anniversaire.

 Le 1er juillet 2018, elle devient la cinquième femme à entrer au Panthéon.

Simone Veil : une source d’inspiration intemporelle

Simone Veil était une féministe engagée même si modérée. Mais c’est avant tout une pionnière et un modèle pour les femmes. En effet, elle a occupé la première des postes jusque-là inaccessibles aux femmes au sein de l’administration comme en politique. Elle était la voix pour aider les femmes à suivre leur voie, notamment professionnelle.

 « Je suis favorable à toutes les mesures de discrimination positive susceptibles de réduire les inégalités de chances, les inégalités sociales, les inégalités de rémunération, les inégalités de promotion dont souffrent encore les femmes. »

Simone Veil

On retiendra d’elle la loi Veil pour l’IVG et son incarnation comme figure nationale de la mémoire de la Shoah.

Autobiographies, témoignages, archives privées

Simone Veil a écrit ses mémoires et accepté de partager des archives familiales privées et de livrer son témoignage à plusieurs reprises et sous différentes formes.

Une vie de Simone Veil : autobiographie officielle

Seul l’espoir apaise la douleur : en 2006, pour l’INA et la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, face caméra, Simone Veil raconte pour la première fois le film de sa vie et notamment la guerre, l’Occupation, la déportation avec ses dix-huit mois dans les camps, mais aussi le retour, les nouvelles humiliations, son engagement pour la mémoire.

Simone et ses sœurs de Simone Veil, Denise Vernay et Madeleine Jampolsky : elles racontent leur histoire à travers des documents inédits retrouvés dans les archives familiales (lettres, journaux intimes) et leurs souvenirs.

Mes combats de Simone Veil : cet ouvrage réunit les textes d’une vie d’engagements et de convictions que Simone Veil a souhaité partager.

Pensées libres : cet ouvrage rassemble les plus inspirantes citations de Simone Veil.

Quelques ouvrages sur Simone Veil

Une jeunesse au temps de la Shoah : cette édition pédagogique regroupe les quatre premiers chapitres d’Une vie et couvre la période 1927-1954 pour le devoir de mémoire des jeunes générations.

Simone Veil – L’immortelle : bande dessinée, scénario de Pascal Bresson, dessin d’Hervé Duphot, éditions Marabulles

Une femme Simone Veil, Michel Sarazin, éditions Robert Laffont

Simone Veil : Destin, Maurice Szafran, éditions J’ai lu

L’histoire et le destin de Simone Jacob Veil, 1927-1946, Dominique Del Boca, éditions RDBF

Simone Veil, une passion française, Laurent Pfaadt, City Editions

Les conquérantes : Douze femmes à l’assaut du pouvoir, Christine Clerc, Le Nil

Simone, éternelle rebelle, Sarah Briand, éditions Fayard

Les inséparables. Simone Veil et ses sœurs, Dominique Missika, Seuil

Simone, le voyage du siècle : film en 2021

Le destin de Simone Veil, son enfance, ses combats politiques, ses tragédies. Le portrait épique et intime d’une femme au parcours hors du commun qui a bousculé son époque en défendant un message humaniste toujours d’une brûlante actualité.

Intéressée par le destin de femmes fortes et engagées ? Alors tu peux lire aussi La puissance féminine : Voici 5 femmes qui ont changé le monde !

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