Veuve à 50 ans je n’ai pas refait ma vie : Marianne nous livre son histoire

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Le veuvage est une réalité même s’il reste encore un sujet relativement tabou dans notre société. Si on vit de plus en plus longtemps, il n’en demeure pas moins que tous les couples n’ont pas la chance de finir leur vie ensemble, vieux et amoureux. Des femmes veuves, il en existe plusieurs millions en France. Et certaines sont jeunes. On parle de veuvage précoce quand on perd son conjoint avant 55 ans. Ces femmes restent alors seules, parfois, longtemps, parfois toujours. Par choix ? Par obligation ? Ou malgré elles ? Veuve à 50 ans, je n’ai pas refait ma vie. Témoignage.

Quelques chiffres sur le veuvage

Il n’est pas facile de trouver des chiffres récents et fiables concernant le veuvage.

En 2008, la France comptait plus de 3 millions de veuves pour environ 670 000 veufs. En 2017, on estimait à 5 millions environ le nombre de veufs et de veuves en France.

Pourquoi est-ce si compliqué de savoir ?

La définition de l’INSEE dit que « Le terme veuf ou veuve est attribué à toute personne dont le conjoint avec lequel elle était mariée est décédé pendant le mariage et qui n’est pas remariée. »

Voilà pourquoi les chiffres peuvent être inexacts. Nombreuses sont les données officielles qui ne tiennent pas compte des personnes en concubinage, pacsées, en union libre… Bref des couples qui n’étaient pas mariés. Ces couples considérés comme « invisibles » en termes d’état civil n’ont pas permis d’avoir le nombre exact de veufs et de veuves en France malgré les changements de mode de vie récents. Cela change doucement.

Toutefois, on peut dire que le nombre de personnes veuves en France représente environ 6 % de la population totale.

Les femmes plus touchées que les hommes par le veuvage

Il y a environ 80% de femmes veuves pour 20% d’hommes veufs. Et huit fois sur dix, c’est une femme jeune qui est touchée, une situation expliquée par les récentes évolutions démographiques. Au-delà de 70 ans, une femme sur deux vit seule. En effet, à 75 ans, le veuvage touche 42 % d’entre elles contre seulement 11 % des hommes.

La surmortalité masculine par rapport aux femmes et l’écart d’âge au mariage se conjuguent pour multiplier le risque pour les femmes de perdre leur conjoint.

Le cas particulier du veuvage précoce 

500 000 français sont en situation de veuvage précoce, ayant perdu leur conjoint avant 55 ans. Leur âge moyen est de 41 ans. 80 % sont des femmes et plus de la moitié ont encore des enfants à charge. Le veuvage a d’ailleurs longtemps été la première cause de monoparentalité avec 35 % des veufs précoces à la tête d’une famille monoparentale.

Le veuvage précoce est la plupart du temps inattendu et brutal. Il entraine des difficultés financières auxquelles s’ajoutent des problèmes affectifs et familiaux. Et, bien sûr, les sensations de solitude et d’isolement.

4 veufs précoces sur 10 forment une nouvelle union dans les dix années suivant la perte du conjoint. Mais ce sont les hommes qui se remettent en couple plus souvent et plus rapidement que les femmes, la moitié dans les trois années après le décès de leur femme.

A lire aussi : Je souffre de solitude affective, comment sortir la tête de l’eau ?

Devenir veuve à 50 ans

Ainsi les hommes et les femmes ne sont pas égaux face au veuvage, et encore moins face au veuvage précoce. Les chances de refaire sa vie amoureuse varient. Après une année de veuvage, 13 % des hommes sont de nouveau en couple contre 5 % des femmes seulement, et après cinq années de veuvage, plus d’un veuf sur deux a retrouvé une compagne contre seulement une veuve sur cinq.

Une femme devenue veuve à 45 ans a la même probabilité d’être remariée dix ans après (soit 7 %) qu’un homme veuf à 65 ans !

500 000 français sont en veuvage précoce, ayant perdu leur conjoint avant 55 ans. Leur âge moyen est de 41 ans. 80 % sont des femmes.

Veuve à 50 ans, je n’ai pas refait ma vie : Le témoignage poignant de Mariane

Marianne a 70 ans, elle a perdu son mari il y a 20 ans. Ils se connaissaient depuis 25 ans. C’était l’homme de sa vie. Elle n’a pas refait sa vie depuis son décès. Elle nous raconte une partie de son histoire.

« Pourquoi je n’ai pas refait ma vie ? A vrai dire, il n’y a pas de vérité absolue à cette question. Après toutes ces années, je pourrai vous donner plusieurs raisons : le deuil, l’amour que je porte toujours à mon mari, mon rôle de mère célibataire, les soucis à gérer seule, le temps qui passe sans qu’on s’en rende compte. Et l’absence de rencontres évidemment. Ou peut-être que je ne le souhaitais pas, tout simplement… » nous confie Marianne.

« Je me rappelle avoir accepté une fois de dîner avec un collègue. Une seule fois. J’ai cru que j’allais faire un malaise, je n’étais pas à ma place. »

Son veuvage précoce a évidemment été un choc, une douleur sans nom et le début d’une vie qu’elle n’a pas choisie. Qu’elle n’aurait jamais imaginée. Mais elle a dû faire front, gérer son deuil tout en élevant ses enfants et ne pas lâcher prise face à cet avenir incertain qui se dessinait devant elle.

« Quand vous perdez l’homme qui partage votre vie depuis plus de 20 ans, ce n’est pas anodin. C’est un choc, les psys parlent de traumatisme. Ce n’est pas comme si nous étions déjà bien vieux, ou malades. On s’attend à ce que l’un parte avant l’autre mais de nos jours, on n’imagine pas ça si tôt. Mon mari avait 55 ans. C’était une force de la nature, vraiment. Il travaillait dur mais il adorait son métier. Il était en bonne santé. Du moins c’est ce qu’on croyait. Il est parti en à peine quelques mois, d’un cancer foudroyant. On n’a rien pu faire pour ralentir le processus. Enfin les médecins n’ont pas pu le sauver. Entre le diagnostic tardif et le jour de son enterrement, il s’est passé 3 mois. J’ai été anéantie. Nos enfants également. »

Au choc succède le deuil à faire de l’homme, du mari et du père. Mais ce travail de deuil est ralenti et compliqué par ce qu’il faut gérer. Les papiers, les démarches, les enfants. Devenir veuve à 50 ans, ce n’est pas quelque chose qui se prépare, qui s’anticipe, comme nous l’explique Marianne.

« Quand j’ai vu le mot veuve écrit sur les papiers officiels après la mort de mon mari, je me rappelle n’avoir pas compris immédiatement. C’est comme si mon cerveau était incapable d’enregistrer cette information. Je n’étais plus officiellement l’épouse de l’homme que j’aimais, j’étais devenue sa veuve. On n’imagine pas le pouvoir des mots et pourtant ils en ont tellement. Je n’étais plus une femme mariée aux yeux de la loi et des différents organismes, mais dans mon cœur, il était toujours mon mari. Il le sera toujours. »

Comment a-t-elle fait face à cette perte, en tant que femme qui était amoureuse, heureuse avec son mari ? Comment continuer après être devenue veuve à 50 ans de l’homme qu’on aime ?

« Perdre l’homme qu’on aime est vécue comme une terrible injustice. On passe en effet par les différente étapes du deuil, même si je pense qu’on ne peut jamais s’en remettre totalement. En tout cas, pas moi. L’amour que j’ai pour mon mari ne s’est pas envolé le jour de sa mort. Ce n’est pas parce qu’il n’est plus là que notre amour n’existe plus. Je vis dans son souvenir, dans nos souvenirs, je le sais. Mais pendant des années, c’est grâce à cela que je pouvais me lever le matin. Je crois que si je n’avais pas continué à honorer sa mémoire à ma façon, je n’aurais pas tenu. »

« Je n’étais plus officiellement l’épouse de l’homme que j’aimais, j’étais devenue sa veuve. »

A-t-elle inconsciemment évité de rencontrer un autre homme ? Retrouver l’amour, est-ce une chose qu’elle ne voulait plus ? Ou ses statuts conjugués de veuve et de maman solo expliquent en partie cette réalité ?

« Au début, comme la plupart des femmes dans mon cas je suppose, j’ai dû mettre toute mon énergie pour tenir bon. La paperasse, les démarches sans fin… Le fait d’être mariés a facilité les choses. Evidemment, la priorité était les enfants. Nous en avons eu trois, deux filles et un garçon. A la mort de leur père, ils avaient 20, 16 et 13 ans. Plus des bébés mais pas encore des adultes. Nous étions une famille soudée, cela n’a fait que se renforcer.

Alors oui, je suis devenue une maman qui travaille, une maman qui assume tout, toute seule. J’ai eu cette vie-là pendant 7 ans environ, le temps que la petite dernière soit également autonome. Moi j’avais alors 57 ans. Je n’ai pas vu passer ces années, je faisais ce que j’avais à faire et la femme que je suis était sans doute encore mariée sans que je ne mette des mots là-dessus. Je ne souffrais plus chaque jour, mais je ne pouvais pas imaginer rencontrer un autre homme. Ce n’est pas la faute de mes enfants, c’est ainsi, je n’en avais pas le temps certes, mais pas non plus l’envie. »

Quand on devient ce qu’on appelle une veuve précoce, c’est-à-dire à moins de 55 ans, dans quel avenir parvient-on à se projeter en tant que femme ? Est-on toujours mariée au mari qu’on a perdu, ou le statut de veuve est-il celui par lequel on parvient à se définir ?

« Un matin, c’est vrai, on se réveille, la douleur est moins forte, on respire mieux même si le chagrin, lui, demeure. C’est ainsi, il faut apprendre à vivre avec. Le mot veuve ne me dérange plus aujourd’hui, sans doute grâce aux années. A 50 ans, c’est un statut plus lourd à porter. Les gens peuvent être maladroits ou distants par peur de mal dire, de mal faire. Je ne leur en veux pas. Ma vie a radicalement changé il y a 20 ans et c’est vrai que Marianne, la femme, a cédé la place à Marianne, la mère de famille, Marianne, la veuve et Marianne, la femme active.

« Je ne souffrais plus chaque jour, mais je ne pouvais pas imaginer rencontrer un autre homme. »

La seule solitude ressentie était celle de l’absence de mon mari, sinon ma bien était bien remplie. Sans vivre au jour le jour, je ne me projetais pas loin non plus. Disons que ma projection était familiale et professionnelle. Amoureuse, non c’était fini. Une fois mes enfants tous partis du nid, une fois la retraite arrivée, je me suis confrontée à une autre solitude, c’est vrai. »

D’autres rencontres ont-elles quand même été possibles, voulues, tentées ?

« Pendant plus de 10 ans, je n’ai pas eu envie de rencontrer un autre homme. Mon corps et mon cœur étaient fermés à double tour. Je n’en souffrais pas. Peut-être que j’ai fait mon deuil très doucement. J’ai aimé mon mari à la folie, c’était vraiment l’homme de ma vie. Alors quand vous avez eu la certitude, la chance de rencontrer votre âme sœur, il est difficile de se projeter avec un autre homme. J’ai fait très peu de rencontres pendant 10 ans quand je travaillais encore. Je me rappelle avoir accepté une fois de dîner avec un collègue. Une seule fois. J’ai cru que j’allais faire un malaise, je n’étais pas à ma place. Depuis, j’ai des amis hommes, deux d’entre eux sont veufs également. On discute, on se comprend mais je n’ai pas refait ma vie ni aimé un autre homme, non. »

Aujourd’hui, 20 ans après, quel regard avoir sur toutes ces années ? Et quelle vision de l’avenir se dessine ?

« Depuis 10 ans, je vis une autre solitude, c’est vrai. Mes souvenirs m’accompagnent toujours. Aujourd’hui, j’ai 70 ans et je ne réalise pas que cela fait déjà 20 ans que je suis sans lui. Parfois je suis heureuse, parfois un vide intérieur m’envahit. J’ai tour à tour besoin de solitude ou au contraire d’être entourée de mes proches. Devenir veuve à 50 ans, c’est un bouleversement. Certaines femmes refont leur vie même si j’ai lu que les veufs y arrivent plus facilement que les veuves. Moi, je fais partie de celles qui n’ont pas pu ouvrir leur cœur à nouveau. Mes proches me taquinent parfois en me disant qu’à 70 ans je devrais au moins trouver un compagnon pour mes vieux jours. J’en souris, je sais que c’est bienveillant de leur part. Et quelque part, je les comprends.

« quand vous avez eu la certitude, la chance de rencontrer votre âme sœur, il est difficile de se projeter avec un autre homme. »

Mais quand vous êtes devenue veuve dans la fleur de l’âge, car 50 ans ce n’est pas vieux et que vous avez connu la passion, l’amour véritable, l’idée même de chercher à combler sa solitude est triste. J’ai eu la chance de partager 25 ans avec mon mari, que j’ai aimé de tout mon cœur et que j’aimerai jusqu’à mon dernier souffle. Alors non, je n’ai pas été ce qu’on appelle une veuve joyeuse, mais une épouse heureuse, oh je l’ai été, vraiment, et du haut de mes 70 ans, c’est tout ce qui compte pour moi depuis 20 ans. »

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