Frida Kahlo : artiste féministe et icône mexicaine

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Quand on évoque Frida Kahlo, on visualise ses autoportraits étranges, décalés, son fameux monosourcil et son expression presque toujours douloureuse. Frida Kahlo, artiste féministe et icône mexicaine, a en effet eu la douleur physique comme compagne presque toute sa vie. Elle a décidé de faire de sa souffrance le moteur de sa création artistique et de son engagement pour la cause féminine. Sa trop courte vie (1907–1954) a néanmoins été riche, son style est celui d’une femme libre, engagée et inspirée. Elle est une véritable légende dans son pays, le Mexique, et une artiste connue dans le monde entier. Portrait d’une frangine pleine de résilience.

L’enfance de Frida Kahlo

Sa mère est mexicaine, son père photographe et peintre allemand. Frida a grandi à Coyoacán, près de Mexico, dans la « Maison bleue », maison coloniale construite par son père.

Son prénom est le choix de son père allemand émigré en terre aztèque en 1890. Dans sa langue natale, « Friede » signifie la paix. Sa mère n’est pas d’accord, car ce prénom ne figure pas au calendrier des saints. Le prêtre menace de refuser le baptême. Ce sera donc Magdalena Carmen Frieda pour le registre de l’église, mais on l’appellera quand même Frida.

Enfant curieuse et vive, elle aide son père dans son métier de photographe, c’est un père attentionné.

A 8 ans, elle est frappée d’une attaque de poliomyélite qui lui laisse la jambe droite atrophiée. Boiteuse, elle est la risée des enfants de son village La voici désormais « pata de palo », Frida la bancale pour les autres.

Mais Frida a un tempérament libre et affirmé et elle ne se laisse pas faire. Bonne élève, elle intègre ainsi un établissement de renom, chose rare dans une société mexicaine alors très machiste.

Frida s’habille comme un garçon, veut devenir médecin et s’intéresse à la politique (la révolution communiste).

D’ailleurs, si sa date de naissance officielle est le 6 juillet 1907, elle la fera changer en 1922 pour le 7 juillet 1910, année de début de la révolution mexicaine.

Un amour pour les sciences

Si l’art fait partie de sa vie depuis son enfance par le biais de son père photographe, Frida voulait d’abord être médecin. Admise dans l’excellente Escuela Nacional Preparatoria, elle s’intéressait aux sciences naturelles. Une vocation qui aurait pu devenir son métier, vu sa vivacité d’esprit. Elle faisait d’ailleurs partie des 35 filles admises dans l’établissement composé de 2000 élèves. Mais son accident va sonner le glas de sa vocation et de son rêve de petite fille.

Le jour où sa vie a basculé

Le 17 septembre 1925, elle est, avec un ami, Alejandro, à bord d’un bus dans les rues de Mexico. Il va trop vite, un tramway les percute, le bus plie, puis explose, le sol se jonche de morts. Frida est vivante, mais elle a la colonne et la jambe brisées, l’épaule démise, le pied écrasé, empalée sur une barre de fer. Scène hallucinante, quasi surréaliste : la poudre d’or que transportait un ouvrier s’est répandue sur son corps ensanglanté… Elle entend dans une semi-conscience les témoins crier « la ballerina ! », croyant voir une danseuse étendue sur la route !

Elle n’en sortira pas indemne, et doit rester alitée de nombreux mois avant de porter un corset orthopédique. Elle souffre énormément et cela ne s’arrêtera plus. Jusqu’à la fin de sa vie, Frida aura de fortes douleurs.

“Je ne suis pas malade. Je suis brisée. Mais je me sens heureuse de continuer à vivre, tant qu’il me sera possible de peindre.”

Frida Kahlo

C’est à cette période qu’elle commence à peindre, à se prendre pour modèle. Clouée au lit, elle se fait installer un miroir et devient ainsi son propre sujet. Les chevalets sont placés sur ses genoux ou suspendus au-dessus du lit afin qu’elle puisse les atteindre sans bouger.

“Je peins des autoportraits parce que je me sens si souvent seule, parce que je suis la personne que je connais le mieux.”

La peinture est alors son exutoire, un moyen cathartique d’exprimer sa douleur. Il deviendra ensuite une passion et un art à part entière.

Tu peux lire aussi notre article sur une autre femme et artiste inspirante : Audrey Lorde : la poétesse féministe à l’origine de l’intersectionnalité

Une féministe reconnue au Mexique

Inscrite au Parti communiste à 21 ans, Frida Kahlo est connue pour son combat pour l’émancipation des femmes dans une société mexicaine machiste. Bis*xuelle dans une société catholique, elle se démarque grâce à son éducation athée puis par l’affirmation de sa s*xualité.

Son monosourcil : une arme féministe

À travers son art, elle évoque le plafond de verre qui soumet encore les femmes : avortement, patriarcat… Elle se sert de son fameux monosourcil comme d’une arme contre les pressions sociales et les injonctions esthétiques imposées au genre féminin. Epicurienne, elle se laisse prendre en photo en tenue masculine, un verre de Tequila à la main et une cigarette entre les lèvres. Des clichés anticonformistes pour l’époque qui ont contribué à établir sa réputation sulfureuse et qui ont fait scandale.

Son mariage avec Diego Rivera : entre voyages mondains et adultères répétés

Mondialement connu pour ses peintures murales, le peintre mexicain Diego Rivera rencontre Frida lors de son passage dans l’école de la jeune femme en 1928. Impressionné par son talent, il déclare alors : « Elle possédait une sincérité plastique fondamentale et une personnalité artistique propre. Ses œuvres véhiculaient une sensualité vitale encore enrichie par une faculté d’observation impitoyable, quoique sensible. »

Leurs 21 ans d’écart ne les empêchent pas de se marier dès 1929. Ils ont vécu aux États-Unis dans les années 30, notamment à San Francisco où Diego Rivera obtient des commandes officielles pour son talent de muraliste.

En 1939, le couple voyage à Paris, où Frida rencontre les surréalistes. Elle devient amie avec André Breton et sa femme. Époustouflé par ses peintures, le peintre surréaliste l’invite à l’exposition Mexique organisée à la galerie Renou et Colle.

“Le surréalisme est la surprise magique de trouver un lion dans un placard, là où on était sûr de trouver des chemises.”

Malgré son dégoût pour la capitale française qu’elle qualifiera de sale et prétentieuse, le Louvre lui achète l’un de ses autoportraits et Elsa Schiaparelli crée une robe en son honneur : la Madame Rivera.

De retour au Mexique, elle s’implique dans l’enseignement et la culture.

Mais elle comprend très vite que son mariage est un leurre, qu’elle a fait une erreur. Leur passion amène son lot de souffrances. Elle doit endurer les infidélités répétées de son mari, qui la trompe notamment avec sa propre sœur. En réaction, elle le trompera aussi, notamment avec le communiste Léon Trotski.

J’ai eu deux accidents graves dans ma vie. L’un à cause d’un bus, l’autre ce fut Diego. Diego fut de loin le pire. 

Ils divorcent, se remarient… Et Frida fait deux fausses couches, qui la marquent terriblement. Elle ne sera pas mère à cause de son corps malade et meurtri qui l’empêche de mener à bien une grossesse.

Leur histoire est douloureuse et toxique. Mais ils ont continué malgré tout à se porter une admiration mutuelle et un respect pour leur art. Et ils resteront mariés jusqu’à la mort de Frida en 1954.

L’autobiographie au centre de ses œuvres

Son art, proche à certains égards du surréalisme, mêle des références biographiques et des éléments symboliques ou oniriques. L’autoportrait est un de ses sujets de prédilection. Son œuvre est l’expression de sa résilience.

« Je n’ai jamais peint de rêves, mais ma propre réalité. »

En effet, elle met en scène sa souffrance, autant physique que morale. Avec un mélange de dolorisme et de résistance, elle se montre digne, la tête droite et le regard fier, mais sa féminité est blessée. Son style a souvent été décrit comme naïf, faisant usage d’images symboliques pour décrire son état d’esprit et ses douleurs.

Ses œuvres les plus célèbres

Frieda et Diego Rivera, 1931

Frida représente le couple légendaire qu’elle formait avec Diego Rivera. Elle le campe comme un personnage monumental, tenant une palette et des pinceaux, comme s’il était le seul artiste au sein de leur couple. Elle-même apparaît fragile. Ce portrait a été peint au début de leur mariage, à San Francisco. Frida porte pourtant une tenue mexicaine, comme à l’accoutumée.

Quelques petites piqûres, 1935

Elle se représente, nue, sur un lit, ensanglantée. Près d’elle, se tient son mari Diego Rivera. Une colombe et un corbeau planent au-dessus de la scène, tenant une banderole où figure le titre du tableau. Kahlo illustre ainsi les blessures physiques et morales vécues pendant son mariage.

La Colonne brisée, 1944

Cet autoportrait la représente à une époque où sa santé se dégrade fortement. Face au spectateur, et devant un paysage infertile, elle se montre nue, corsetée. Des clous transpercent sa peau, des larmes coulent de ses yeux. Sa colonne vertébrale est figurée comme une colonne antique fracturée à de multiples endroits. La Colonne brisée est l’un des plus tragiques autoportraits de Frida Kahlo.

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L’héritage de Frida Kahlo

Son état de santé empire et elle subit de nouvelles opérations qui ne lui apportent aucun soulagement. Elle doit alors être amputée de la jambe droite. A partir de là, elle souffre en permanence et se réfugie dans la drogue et l’alcool.

« Ils ont amputé ma jambe droite il y a 6 mois, ils m’ont fait subir des siècles de torture et j’ai parfois cru perdre la raison. Je ne fais qu’attendre de me tuer. J’espère que la fin sera joyeuse et que je n’aurai jamais à revenir. »

Le mystère autour de sa mort

Frida Kahlo décède brutalement le 13 juillet 1954. Officiellement, on parle d’une embolie pulmonaire ou d’une pneumonie. L’absence d’autopsie et l’abus de certaines drogues n’ont jamais permis de lever le voile sur la cause de sa mort. L’hypothèse du suicide a souvent été évoquée. Trop de souffrances, de douleurs l’y auraient conduite. Son mari l’aurait-il aidée à mourir car elle lui aurait demandé, ne supportant plus son état ? C’est une des thèses récentes… Mais la lumière ne sera sûrement jamais faite sur la véritable cause de la mort de Frida Kahlo.

Des pieds, pourquoi en voudrais-je, si j’ai des ailes pour voler.

Frida Kahlo

Frida Kahlo : une artiste iconique

Elle laisse 143 tableaux, dont 55 autoportraits. Sa maison, la Casa Azul ou La Maison Bleue près de Mexico, qui accueille 59 000 objets de sa collection d’art populaire, est le manifeste de son univers créatif. C’est devenu le musée Frida-Kahlo que l’on peut visiter, lieu incontournable dans le centre de Coyoacán. C’est ici qu’est née Frida et c’est aussi là qu’elle y est décédée en 1954. Ses cendres reposent sur son lit, dans une urne à la forme de son visage.

La Maison Bleue, museo Frida Kahlo @Stocklib

Depuis sa mort précoce, l’œuvre de Frida Kahlo, longtemps présentée dans l’ombre de son mari Diego Rivera, fait l’objet de révisions.

De son vivant, elle avait attiré l’attention de personnalités telles que que Picasso, Kandinsky, André Breton, ou encore Trotski. André Breton disait d’elle que c’était « une artiste fascinante et une femme complexe et compliquée, hantée par des fantasmes ennemis ».

Il aura néanmoins fallu attendre sa mort pour que son originalité et sa créativité soient soulignées plus largement. Parmi ceux qui témoignent de son génie créatif, Carlos Fuentes, Jean-Marie Le Clézio ou encore Octavio Paz qui a qualifié sa peinture de « poésie explosive ».

Frida inspire et pas seulement au Mexique ou les peintres. Elle est l’objet de documentaires et de films inspirants.

Frida, naturaleza viva (1983)

Premier film sur la vie de Frida Kahlo par le réalisateur Paul Leduc, Frida, naturaleza viva, revient sur les drames de la vie de l’artiste.

Frida Kahlo : A Ribbon Around a Bomb (1992)

Ce documentaire est un classique pour comprendre la femme derrière l’artiste. Etape par étape, il retrace la vie de Frida Kahlo à travers ses œuvres les plus emblématiques.

Frida (2002)

Biopic de Julie Taymor avec Salma Hayek dans le rôle de Frida Kahlo, doublement Oscarisé, adapté du roman d’Hayden Herrera.

The Life and Times of Frida Kahlo (2005)

Ce documentaire sorti en 2005 est l’un des plus riches et fouillés sur la vie de Frida Kahlo. Raconté par Rita Moreno, ce portrait retrace le destin de cette femme engagée.

Chez Frida Kahlo (2011)

Ce documentaire de 52 minutes nous plonge dans le quotidien de Frida Kahlo dans sa Maison Bleue, lieu de création, de passions, de fêtes et de drames.

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