Margaret Atwood : la « grande dame des lettres canadiennes »

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Margaret Atwood, celle qu’on appelle la grande dame des lettres canadiennes, est une écrivaine contemporaine. Elle s’est rendue célèbre dans le monde entier avec son roman La Servante écarlate (titre original : The Handmaid’s Tale) paru en 1985 et traduit en français en 1987. Tu l’as peut-être découverte via son adaptation en série télévisée en 2017. Connaissais-tu son origine littéraire ? Son œuvre ne se limite pas à ce livre et sa plume est celle d’une femme engagée. Pour l’humanisme, la cause des femmes, l’écologie, l’environnement. Elle se sert de la dystopie pour mener ses combats et dénoncer les sujets qui la touchent. Portrait d’une autrice qui met des sujets sociétaux au cœur de ses récits.

Une enfance au contact de la nature 

Margaret Eleanor Atwood naît le 18 novembre 1939 à Ottawa. Celle qu’on surnomme alors Peggy a une enfance heureuse en famille, dans le nord de l’Ontario et du Québec. Son père est entomologiste (spécialiste des insectes). Elle passe beaucoup de temps dans les grandes forêts en sa compagnie. Il lui transmet son amour de la faune et de la flore. De là sont nés son amour de la nature et des grands espaces, ses préoccupations pour l’environnement et son éveil pour l’écologie.

Mais c’est aussi une enfant à la fois contemplative et curieuse de tout, qui passe des heures à lire. C’est dans ce contexte propice à l’imagination que petite fille, alors qu’elle sait lire et écrire depuis peu, elle se passionne déjà pour la littérature. Elle viendra à l’écriture tout naturellement au cours de son adolescence.

Margaret Atwood, jeune femme et écrivaine engagée dès ses études

Rien de surprenant donc à ce qu’elle se tourne vers des études littéraires. Ce n’est pas un parcours facile pour les femmes dans les années 1950. Mais elle entreprend néanmoins des études à l’Université de Toronto puis à l’Université Harvard jusqu’à l’obtention d’une maîtrise en littérature anglaise en 1962.

Mais ses années étudiantes sont aussi celles de son engagement. Ainsi, elle participe à des manifestations contre la guerre du Vietnam et n’hésite pas à faire entendre ses opinions.

Elle ne fait pas qu’étudier les grands auteurs, elle écrit, et ses convictions et ses combats sont le sujet de ses premiers écrits.

Ses premiers écrits

Elle compose son premier recueil de poèmes, Double Persephone, pour lequel elle obtient la médaille E.J. Pratt de poésie. Tout en enseignant l’anglais dans plusieurs universités, elle publie ensuite Le Cercle vicieux. Cet autre recueil de poèmes salué par le prix du Gouverneur général.

En 1969, paraît son premier roman, La femme comestible. C’est une fiction qui critique le manque de choix dont disposent les femmes à cette époque et les attentes aliénantes qui pèsent sur elles. 

Après un premier mariage avec le journaliste américain Jim Polk de 1968 à 1973, elle épouse le romancier canadien Graeme Gibson, avec qui elle a 3 enfants. À cette époque, Margaret Atwood travaille comme rédactrice pour House of Anansi Press et comme caricaturiste et rédactrice pour This Magazine.

L’ouvrage qui fait connaître Margaret Atwood au Canada

En 1972, elle écrit un essai qui changera complètement la vision des Canadiens sur leur littérature : Survival: A Thematic Guide to Canadian Literature.

Cette étude de la littérature canadienne est rapidement ajoutée au programme scolaire du pays. C’est également en 1972 qu’elle connaît un premier grand succès avec son deuxième roman, Surfacing (Faire surface) outre-Atlantique.

Mais il faudra attendre 1985 pour que son nom soit connu dans le monde entier grâce à son talent d’écrivaine. C’est le roman de science-fiction dystopique La Servante écarlate qui propulsera la romancière sur le devant de la scène littéraire internationale.

« Je n’ai jamais cru que je deviendrais une écrivaine à succès, je voulais juste être une bonne écrivaine. »

Mais elle n’attend pas après la notoriété ou la reconnaissance. Elle ne cesse d’écrire et engage sa plume pour des combats auxquels elle croit et qui sont elle depuis son enfance.

Une écrivaine humaniste engagée dans le droit des femmes

A travers son œuvre, elle met en exergue les dangers d’une société patriarcale. Plusieurs de ses livres abordent la condition des femmes et les injonctions sociales : mariage, maternité, travail domestique, assujettissement social, violences…

Son arme pour lutter contre l’oppression masculine ? La puissance de ses mots et des personnages féminins complexes et courageux.

Voilà pourquoi le nom de Margaret Atwood est régulièrement associé à la cause féministe. Après l’élection de Donald Trump, des centaines de manifestantes défilent notamment dans les rues de Washington et scandent : « Rendez Margaret Atwood à la fiction ! »

Toutefois, l’auteure se définit plus volontiers comme une humaniste qu’une féministe seule. Elle place au cœur de son récit les libertés individuelles qui lui tiennent à cœur.

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Une écrivaine écologiste pour la défense de l’environnement 

Son lien très fort à la nature présent depuis toujours et l’influence de son environnement familial et de son père expliquent son engagement pour l’environnement et l’écologie.

Dans plusieurs de ses ouvrages comme Le temps du délugeMaddAddam ou Le dernier homme, Margaret Atwood imagine un environnement pollué et détruit par l’activité humaine. Plusieurs de ses romans dressent le portrait d’une crise climatique bien avancée. L’urgence climatique est un sujet qui inquiète la romancière. Elle décrit la possibilité d’une catastrophe environnementale dans de nombreux livres.

À travers ses romans et certains de ses poèmes, ce sont les conséquences de l’appauvrissement des ressources naturelles et l’effondrement du système sociétal contemporain que Margaret Atwood cherche à mettre en lumière.

En femme moderne et connectée, elle prend également la parole à propos de la préservation de l’environnement sur Twitter et dans les médias. Dans ses tweets, l’auteure établit des liens entre la défense de l’environnement et les droits des femmes. Selon elle, l’Homme ne peut dominer la nature, tout comme l’homme ne peut dominer la femme. Certains critiques littéraires la définissent alors comme écoféministe.

Margaret Atwood ou l’aura d’une romancière visionnaire

Certains la qualifient de « visionnaire », d’autres de « clairvoyante », et il y en a pour user du mot « prophétesse ». Force est de constater ces dernières années que ses récits sont tristement prémonitoires en matière d’environnement et de société, suscitant d’inquiétantes réflexions sur le monde actuel et ses dérives. Mêlant faits historiques, avancées technologiques, reculs démocratiques et menaces écologiques, ses livres, s’ils restent des romans, frôlent souvent la réalité.

C’est une des raisons pour lesquelles elle use beaucoup de la dystopie dans ses œuvres de science-fiction. Evidemment, ses histoires sont volontairement inquiétantes et sombres. Mais la part de vérité qu’elles contiennent en font le scénario probable de notre avenir ou le récit revisité d’horreurs et de catastrophes passées.

« Je n’écris rien que l’humanité n’ait pas déjà fait ailleurs ou à une autre époque, ou pour lequel la technologie n’existerait pas déjà ».

Adepte du roman d’anticipation, Margaret Atwood dépeint des univers futuristes pessimistes et terrifiants à travers des fictions où totalitarisme, monde apocalyptique et technologies menaçantes se côtoient.

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La Servante écarlate ou l’œuvre qui a fait de Margaret Atwood une écrivaine mondialement connue

Deux événements majeurs influencent les phases d’inspiration et d’écriture de La Servante écarlate. Ce sont l’interdiction de l’avortement et de la contraception en Roumanie et la médiatisation d’une secte américaine fondamentaliste apparentant les femmes à des « servantes ».

« Je me souviens que j’étais moi-même obligée de faire attention à ce que je disais, de peur de mettre quelqu’un en danger par inadvertance. Tout cela s’est retrouvé dans mon livre. »

Publié en 1985, ce roman dystopique nous entraine dans un futur proche en Amérique du Nord. Le pays est dominé par une théocratie, fondée sur des castes sociales dans lesquelles les femmes sont soumises aux hommes. Le taux de natalité a tellement chuté qu’un parti fondamentaliste force les femmes fertiles à porter des enfants pour les familles au pouvoir, dans un contexte de torture et de servitude.

Chaque violence et privation de libertés ont été puisées dans des faits réels passés ou présents.

Par ce livre, Margaret Atwood remet en cause la domination masculine, et plus précisément le régime patriarcal totalitaire.

En 2019, l’écrivaine publie la suite de l’histoire, Les testaments, qui est vite devenu un best-seller

« Combien de temps avez-vous mis pour écrire La Servante écarlate ? On pourrait croire seulement un an mais la vraie réponse est 4 000 ans, parce que c’est l’histoire des femmes que j’ai dépeinte. »

Pour ce livre écrit en 1985, elle reçoit trois prix. Le Prix du gouverneur général dans le domaine des romans et nouvelles en langue anglaise, celui du Los Angeles Times Book Prize dans la catégorie fiction et le prix Arthur-C-Clarke.

Publié en France en 1987, vendu à plusieurs millions d’exemplaires à travers le monde, La servante écarlate est devenue un classique de la littérature anglophone, apportant la célébrité à Margaret Atwood.

Un roman adapté sur petit et grand écran

C’est en 1990 qu’une première adaptation est réalisée en film, La Servante écarlate, par Volker Schlondorff.

En 2017, une télésérie est créée sous le titre The Handmaid’s Tale: La Servante écarlate, qui va faire de l’héroïne de cette fiction un emblème de lutte féministe et mettre en valeur le talent de Margaret Atwood sur la scène internationale.

Le costume que portent les servantes – une robe longue de couleur rouge vif (écarlate) et une coiffe blanche qui dissimule leur visage – est d’ailleurs devenu un symbole de résistance lors de manifestations féministes, notamment lorsque le droit à l’avortement est en péril.

Cette série place Margaret sous le feu des projecteurs en 2017, environ 30 ans après l’écriture de La servante écarlate. Elle a participé au projet comme productrice et consultante. Le succès a été mondial, et d’autres adaptations de ses romans ont suivi, Captive (alias Grace) et MaddAdam.

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Un talent souvent récompensé 

Elle a écrit des dizaines de romans, nouvelles, poèmes ou essais. Ses ouvrages sont traduits dans une cinquantaine de langues. Paru en 2020, son recueil de poésies, Dearly, applaudi par la critique littéraire est défini comme un « véritable manifeste de résistance poétique ».

Depuis 1961, Margaret Atwood a récolté plus d’une trentaine de prix. On peut citer :

  • le Prix humanitaire Ida Nudel en 1986 ;
  • le Prix humaniste de l’année en 1987 ;
  • deux prix Booker pour Le tueur aveugle en 2000 et pour Les testaments en 2019
  • le Prix de la paix en 2017

En 2021, Le Writers’ Trust of Canada renomme son prix littéraire annuel en l’honneur de deux de ses cofondateurs : Margaret Atwood et son défunt mari Graeme Gibson. 

Elle a été faite membre de l’Ordre britannique des compagnons d’honneur par la reine Élisabeth II et Compagnon de l’Ordre du Canada et Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres de France.

Margaret Atwood continue d’écrire et de partager ses réflexions, ses pensées et ses convictions sur la toile.

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